L’actrice sud-coréenne Jeon Do-yeon de retour dans la peau d’une mère tueuse à gages
Il est parfois plus facile d’éliminer des assassins que de s’occuper de sa fille adolescente caractérielle: l’une des plus célèbres actrices de Corée du Sud est de retour dans un nouveau film d’action, mêlant scènes de combat meurtrier et angoisse parentale.
Vénérée en Corée du Sud, Jeon Do-yeon, 50 ans, a remporté le premier prix d’interprétation à Cannes et est passée devant la caméra de la crème des réalisateurs coréens au cours de ses trois décennies de carrière.
Elle a pratiquement tout joué, d’une prostituée séropositive à une femme au foyer accusée à tort de trafic de drogue, mais dans son premier film d’action « Kill Boksoon », c’est son expérience personnelle en tant que mère qui s’est révélée précieuse.
Disponible dès vendredi sur Netflix, le thriller d’action à la Tarantino, est né sous la plume du cinéaste Byun Sung-hyun, un admirateur avoué de Mme Jeon qui avait tout particulièrement l’actrice en tête en écrivant le rôle.
« Je ne suis pas une tueuse de profession, mais je mène une double vie: ma vie d’actrice et ma vie de mère », explique Mme Jeon, qui, tout comme son personnage Boksoon, a une fille adolescente.
Ponctué de combats spectaculaires, « Kill Boksoon » s’éloigne considérablement des films précédents de Mme Jeon, principalement des drames dans lesquels elle interprète des personnages marginalisés et persécutés.
Pour ce thriller d’action qui se déroule dans le monde sans pitié des tueurs à gages, l’actrice a dû apprendre des chorégraphies complexes.
« J’avais très peur… mais je me suis dit qu’il fallait que je réussisse d’une manière ou d’une autre, même si cela signifiait que mon corps pouvait s’effondrer », raconte-t-elle lors d’une récente conférence de presse à Séoul.
Les couches d’un oignon
Née en 1973 à Séoul, c’est sur le petit écran que Mme Jeon a fait ses débuts à l’âge de 19 ans. Sa véritable percée a eu lieu cinq ans plus tard, lorsque son premier film « Contact » – une version sud-coréenne quelque peu mélancolique de « Vous avez un message » – est devenu un succès national.
En 2007, elle est devenue la première Sud-Coréenne à remporter le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, pour son incarnation d’une mère en deuil dans « Secret Sunshine » de Lee Chang-dong.
Depuis, Jeon a continué à jouer des personnages mémorables, notamment une femme de ménage enceinte du mari de sa riche patronne, qui se fait piéger pour avorter de l’enfant à naître.
« En incarnant toute une série de personnages, en composant souvent avec des émotions et de sentiments complexes, comme on épluche les couches d’un oignon, les performances de Jeon Do-yeon vont au cœur de ce qui anime ses personnages », relève auprès de l’AFP Jason Bechervaise, un spécialiste du cinéma basé à Séoul.
« Il s’agit souvent de la douleur, une émotion fréquemment véhiculée sous différentes formes dans le cinéma coréen, une émotion qu’il est extrêmement difficile de canaliser et de transmettre, mais elle réussit à le faire avec une belle authenticité », ajoute-t-il.
Les couteaux émoussés font plus mal
« Kill Boksoon » arrive sur les écrans après l’émergence de la Corée du Sud en tant que puissance culturelle, avec le succès mondial du film oscarisé « Parasite » et de la série Netflix « Squid Game ».
Le film marque le premier projet de Mme Jeon avec Netflix, le géant du streaming investissant massivement dans des contenus coréens qu’il considère comme très populaires auprès de son public international.
C’est également la première fois que l’actrice de 50 ans tient le rôle principal dans un film d’action, dans le sillage de la victoire historique aux Oscars de Michelle Yeoh dans la comédie d’action survitaminée « Everything Everywhere All at Once ».
« Il est inspirant de voir Jeon tracer sa propre voie dans une société patriarcale, où les célébrités féminines d’une vingtaine d’années sont qualifiées de +sorcières+ », déclare à l’AFP Areum Jeong, experte en cinéma et chercheuse invitée à l’université Robert Morris.
Mme Jeon considère que l’on peut facilement ressentir de l’empathie pour son personnage d’assassin, qui a du mal à se rapprocher de sa fille de plus en plus renfermée. « Tuer est plus facile qu’élever un enfant », dit-elle dans le film.
Passer trois décennies au sommet de l’industrie du divertissement sud-coréenne, notoirement compétitive, est également « un peu plus facile que d’élever un enfant », affirme l’actrice.
« Pour le travail, je peux trouver des solutions par moi-même. Mais quand il s’agit d’un enfant, il y a des choses que je ne peux pas contrôler », explique-t-elle.
Pour le réalisateur Byun Sung-hyun, son dernier projet est un moyen de rendre hommage à la prolifique carrière de Jeon Do-yeon.
« Dans ce film, les assassins sont souvent appelés +couteaux+. Dans une scène, l’un d’entre eux dit: +les vieux couteaux s’émoussent et finissent par être inutiles+, faisant référence à Boksoon », raconte M. Byun.
« Et la réponse à cela est +les couteaux émoussés font plus mal+. Ces répliques étaient ma façon de rendre hommage à Do-yeon. »
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