John Huston : le «hors-la-loi» d’Hollywood
Enfant déscolarisé, acteur puis réalisateur nommé quinze fois aux Oscars – avec deux victoires -, il a toujours mené sa vie et sa carrière à sa guise. Ce vendredi à 20h35, La Trois dresse son portrait avec le documentaire «John Huston, une âme libre».
«Je ne me suis jamais considéré comme un acteur. Je me disais juste : prend l’argent et amuse-toi !» Ces mots de John Huston, réalisateur de films marquants («Le Faucon maltais», «Le Trésor de la Sierra Madre», «Juge et hors-la-loi»…) qui fut aussi comédien («Le Convoi sauvage», «Chinatown»), traduisent bien sa personnalité. L’homme était connu pour s’opposer au système avec son tempérament sauvage.
L’effronté magnifique
Né en 1906 dans le Missouri, John est le fils unique de Rhea Gore, journaliste, et Walter Huston, acteur. Le garçon est fragile : une hypertrophie cardiaque et des problèmes rénaux lui donnent peu de chances d’atteindre l’âge adulte. «J’avais 10 ans. Ça ne m’a pas terrifié. J’ai accepté et résisté. Je savais que les médecins avaient tort et que j’avais raison !»
Après le divorce de ses parents, le gamin suit son père en tournée car il déteste l’école ! «Ça m’ennuyait à mourir», dira-t-il plus tard. «Je le regrette aujourd’hui, car je ne me vois pas comme un type instruit. D’un autre côté, c’est aussi bien. En me donnant une vision formelle de la vie, l’école n’aurait fait que me limiter.»
Drame imprévu
Cet esprit libre s’essaie à maints emplois, fait de la boxe, du journalisme grâce aux coups de pouce de sa mère et devient scénariste. Un accident enraye ce beau début de parcours quand Huston, alcoolisé, renverse et tue une passante sur Sunset Boulevard. Son père fait jouer ses relations. John est dégagé de toute responsabilité. Mais traumatisé, il s’enfuit à Paris où il étudie la peinture et le dessin. Malgré son talent, le voilà sans-abri qui mendie pour manger.
Revenu sur les terres du cinéma, il n’a rien perdu de sa force. Amateur de belles femmes, marié cinq fois, l’artiste est joueur et bon vivant avec un seul désir : avoir les meilleurs chevaux, les meilleures fêtes et les meilleurs castings sur un film ! Entouré de grands noms, Huston les pousse à se dépasser via des rôles inattendus : Humphrey Bogart joue un fataliste pour «Le Faucon Maltais», le beau et psychologiquement instable Montgomery Clift incarne le célèbre Sigmund dans «Freud, passions secrètes», Katherine Hepburn assume ses premières rides dans «The African Queen».
Franchise légendaire
Ses personnages sont comme lui : des ambitieux qui prennent des risques, quitte à le payer très cher. À la fin de sa vie, cet amateur de cigares atteint d’un emphysème pulmonaire continue de surprendre avec le grinçant «Honneur des Prizzi» (1985) qui vaut à sa fille, Anjelica Huston, l’Oscar de la Meilleure actrice.
Jusqu’à sa mort en 1987, il conserve sa franchise légendaire : «Le vieil Hollywood me manque. (…) Les gens voulaient et savaient comment faire de grandes œuvres. De nos jours, ils ne sont pas particulièrement créatifs. Ces hommes d’affaires ne savent rien sur la façon de faire un bon film. Ce n’est pas le genre de gars avec qui on aurait envie de boire un verre.» Aujourd’hui encore, Huston aurait souvent le gosier sec…
Cet article est paru dans le Télépro du 19/5/2022
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