Jean Rochefort : star par hasard
Avec son flegme britannique et ses moustaches moqueuses, l’acteur français décédé en 2017, à 87 ans, reste une figure majeure du 7e art, dont La Trois brosse le portrait ce vendredi à 20h35.
Homme sensible qui n’a jamais caché ses moments de cafard, en partie dus à une enfance gâchée par la guerre, Jean Rochefort s’est longtemps demandé que faire de sa personne dégingandée et réservée. Mais le destin s’en est mêlé.
Débutant magnifique
À l’aube des années 1950, l’acteur qui s’ignore fait le pitre pour ses amis, imitant les mots et postures des comédiens vus au cinéma où sa mère l’emmène chaque semaine. Un copain pousse alors ce clown un peu triste à s’essayer au théâtre. Le coup de foudre artistique immédiat décide Rochefort à entrer au Conservatoire de Paris où cabotinent d’autres débutants magnifiques, dont Marielle, Belmondo et Noiret. Le jeune Jean reste le plus discret. Son physique le complexe. C’est en se laissant pousser la moustache que l’acteur prend toute sa dimension, à la scène comme la ville.
En thérapie(s)
Il brille dans tous les registres en jouant les comiques pince-sans-rire ou les autoritaires impassibles dans les polars «Symphonie pour un massacre» (1963) de Jacques Deray, «L’horloger de Saint-Paul» (1974) de Bertrand Tavernier ou «Les Magiciens» (1976) de Claude Chabrol. Son apparente froideur qui fascine le public, Rochefort la doit à un caractère bipolaire. Entre deux tournages, il peut totalement perdre le moral et s’isoler. Peu inquiet de cet état d’esprit, l’artiste césarisé pour «Que la fête commence» (1975) et «Le Crabe-Tambour» (1977) dit avoir «un côté spleenesque». Ses rôles le requinquent. L’équithérapie profite aussi à ce cavalier passionné que l’on verra en selle à l’écran, notamment dans «Un éléphant, ça trompe énormément» (1976).
Élégante autodérision
Cette comédie et sa suite, «Nous irons tous au paradis», d’Yves Robert, s’inscrivent parmi les meilleures du 7e art français grâce à l’alchimie entre Jean et ses trois impayables acolytes : Guy Bedos, Claude Brasseur, Victor Lanoux. Les spectateurs rient encore aujourd’hui de la désinvolture d’Étienne Dorsay (Rochefort) qui, après une nuit avec sa maîtresse (Anny Duperey), se retrouve en peignoir, dehors, sur la corniche !
Sa voix grave et son style inimitables séduisent aussi les jeunes générations. Guillaume Canet, cavalier émérite comme lui, le dirige dans «Ne le dis à personne» (2006), Guillaume Nicloux le filme dans «La Clef» (2007) et lui demande de se raser. Professionnel, le grand artiste accepte, même s’il a toujours déclaré avec une autodérision inimitable : «Sans moustache, j’ai l’impression d’être sans slip !». Mais non dépourvu d’élégance.
Cet article est paru dans le Télépro du 2/3/2023
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