Jacquot, Doillon : la tempête #MeToo rattrape les héritiers proclamés de la Nouvelle Vague
De nouveaux témoignages contre le réalisateur Benoît Jacquot, accusé de viols sur mineure par l’actrice Judith Godrèche, la justice qui enquête aussi sur le cinéaste Jacques Doillon, qui l’a fait tourner adolescente: les héritiers proclamés de la Nouvelle Vague sont pris dans la tempête #MeToo.
Invitée jeudi sur France Inter, l’actrice de 51 ans a réitéré ses accusations d’abus et de violences contre Benoît Jacquot, qui a 25 ans de plus qu’elle, l’a dirigée à l’écran et a entretenu durant plusieurs années, sans se cacher, une relation avec elle à partir de ses 14 ans.
Elle a aussi mis en cause Jacques Doillon, 79 ans. En évoquant des faits qui remonteraient au tournage par ce dernier de « La fille de 15 ans », sorti en 1989. Un film tourné alors que Judith Godrèche avait cet âge, et était en couple avec Benoît Jacquot.
Elle a relaté une scène d’intimité Jacques Doillon, en présence de Jane Birkin, qui était alors la compagne du réalisateur. « Tout d’un coup, (Doillon) décide qu’il y a une scène d’amour, une scène de sexe entre lui et moi », a-t-elle raconté. « J’enlève mon pull, je suis torse nu, il me pelote, me roule des pelles », a-t-elle ajouté.
Interrogée pour savoir si M. Doillon avait « abusé » d’elle, l’actrice a acquiescé.
Côté judiciaire, une source proche du dossier a expliqué jeudi à l’AFP que la plainte déposée mardi par Mme Godrèche visait MM. Jacquot et Doillon et donc que l’enquête ouverte suite à cette plainte visait de fait les deux réalisateurs.
Confiée à la Brigade de protection des mineurs, elle porte « sur les infractions de viol sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, viol, violences par concubin, et agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans par personne ayant autorité ». « L’ensemble des faits dénoncés ont eu lieu entre 1986 et 1992 », selon le ministère public, soit la période où Jacquot et Godrèche étaient en couple.
Jacques Doillon, réalisateur de « Rodin », « Ponette » ou « Le petit criminel », père des actrices Lou et Lola Doillon, doit sortir le 27 mars un film, « CE2 ». Il « découvre ces accusations ce matin par voix de presse », a déclaré à l’AFP son avocate, Me Marie Dosé. « Il les réfute avec force et a hâte de s’expliquer devant la justice ».
Autour des actrices
Avec Doillon, 79 ans, et Benoît Jacquot, 77 ans, qui a construit son œuvre autour des actrices, des stars comme Isabelle Huppert ou des débutantes, comme Isild Le Besco et Virginie Ledoyen, deux figures d’une génération du cinéma d’auteur français sont prises dans la tourmente.
Volontiers présentés comme les héritiers de la Nouvelle Vague, aimant filmer des récits d’initiation et de désir et revendiquant une proximité avec leurs jeunes actrices, ils font partie des figures intellectuelles prisées des festivals et d’une partie de la presse, mais aux résultats en salle irréguliers.
Un autre représentant de cette génération, Philippe Garrel, a été mis en cause cet été par cinq comédiennes qui ont témoigné dans Mediapart de tentatives de baisers non consentis et de propositions sexuelles lors de rendez-vous professionnels, accusations que le réalisateur de 75 ans a minimisé, tout en présentant ses excuses.
Issu de la même génération, Jean-Claude Brisseau, décédé en 2019, avait été l’une des premières figures du cinéma rattrapé par les affaires de violences sexistes et sexuelles, et condamné en 2005 pour le harcèlement sexuel de deux actrices.
Au-delà de Judith Godrèche, Benoît Jacquot est accusé de violences par d’autres actrices qu’il a fait tourner jeunes, et qui ont témoigné dans Le Monde. L’actrice et scénariste Julia Roy, qui a 42 ans de moins que lui et a joué dans quatre de ses films, y dénonce des « violences verbales et physiques »: insultes et menaces, coup de pied et gifle, jet de chaise et de vaisselle.
L’actrice et réalisatrice Isild le Besco, six films avec Benoît Jacquot dont « Sade » qu’elle tourne à l’âge de 16 ans, a transmis un texte au quotidien où elle évoque des « violences psychologiques ou physiques ».
Contactée par l’AFP, l’avocate de Benoît Jacquot, Me Julia Minkowski, a indiqué que le réalisateur « conteste les accusations de Judith Godrèche. Il a demandé au parquet à être entendu le plus rapidement possible ». Sollicité sur les autres témoignages publiés par Le Monde, elle n’a pas souhaité commenter.
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