Ils règlent leurs comptes en musique !

Avec «Flowers», en janvier 2023, la chanteuse américaine règle ses comptes avec son ex-mari. © Getty Images

La musique adoucit les mœurs. Vraiment ? Pas quand elle s’accompagne de paroles virulentes chantées par des artistes en souffrance. Ou en colère !

L’année 2023 a démarré en fanfare avec un hit remarqué : «Flowers», de Miley Cyrus . Elle n’envoie pas de fleurs, mais des piques à son ex-mari volage, Liam Hemsworth (33 ans), épousé en 2018 après une relation tumultueuse entamée en 2009. La chanteuse américaine de 30 ans y déclare, en gros, qu’elle n’a besoin ni de lui ni de personne pour être heureuse… Cette chanson de tous les records a largement dépassé les 100 millions d’écoutes sur la plateforme Spotify alors qu’elle est sortie voici moins d’un mois !

Shakira furieuse

De son côté, la chanteuse colombienne Shakira, 46 ans, règle ses comptes avec le footballeur espagnol Gerard Piqué, 36 ans, en chantant «Patipos como tu», soit «Pour les mecs comme toi». Elle l’y interpelle : «Tu joues au champion, mais quand j’ai eu besoin de toi, tu as donné ta pire version. (…) Tu as cru me faire mal, je suis juste devenue plus forte. Les femmes ne pleurent plus, les femmes facturent.» Après douze ans de vie commune (2010-2022) avec l’artiste et deux fils, de 10 et 7 ans, le joueur-vedette courtise désormais Clara Chía, 23 ans, qui, manifestement, a du mal à soutenir les injures qui pleuvent sur les réseaux sociaux et les critiques de la presse espagnole. La jeune femme passe pour une briseuse de ménage…

«Revenge songs» et «diss tracks»

Avant Miley Cyrus et Shakira, Mariah Carey avait pointé du doigt l’acteur et musicien Nick Cannon , avec qui elle a été mariée de 2008 à 2014, dans «Infinity» (2015). Elle lui disait : «Ferme la porte, perds la clé, laisse mon cœur sur le tapis. J’étais à toi éternellement, il y a une fin à l’infini»… Quant au titre «I Don’t», en 2017, il n’était guère tendre avec son ex-fiancé éphémère, le milliardaire James Packer. En 1978, déjà, Gloria Gaynor et le vengeur «I Will Survive» disaient : «Au début, j’étais pétrifiée, me pensant incapable de vivre sans toi (…) Maintenant, va-t’en, tu n’es plus le bienvenu, je survivrai !»

Guerres musicales

Ces morceaux sont appelés «revenge songs», chansons de revanche. Elles sont différentes des «diss song», qui interpellent violemment, surtout chez les rappeurs, un concurrent et le provoquent pour obtenir une réponse en musique. Cela dit, dans les années 1970, certains se fritaient déjà par notes interposées. En 1971, Paul McCartney adressait «Too Many People» à John Lennon et Yoko Ono, un an après la séparation des Beatles. McCartney se souvient sur la BBC 4 : «À l’époque, John me lançait des missiles avec ses chansons, une ou deux étaient assez cruelles. J’ai répliqué, mais mes textes étaient plus mesurés.» Ce n’est que bien plus tard, en 1980, que les deux artistes reconnaîtront le côté pathétique de leur guéguerre.

Dialogue de tubes

Plus déchirantes : les chansons avec lesquelles Michel Berger (1947-1992) et son ex-amour, Véronique Sanson (73 ans), qui l’a quitté soudainement en 1972 pour le musicien Stephen Stills, entretiennent leur tendresse respective. En 1973, il écrit «Message personnel» : «Mais si tu crois un jour que tu m’aimes. Ne crois pas que tes souvenirs me gênent. Et cours, cours jusqu’à perdre haleine. Viens me retrouver.» C’est Françoise Hardy qui l’interprète… En 1975, il sort «Seras-tu là ?». L’année suivante, Sanson répond : «Je serai là». L’artiste, bien que marié avec France Gall depuis 1976, chante aussi «Quelques mots d’amour» (1980) : «Il manque quelqu’un près de moi. (…) D’où vient ce sentiment bizarre que je suis seul ?»…

Hommage au père, au mari…

En 2012, Céline Dion rendait hommage à son père avec «Parler à mon père». «Encore un soir», en 2016, s’adressait à son très regretté mari René. «Vole», sortie en 1995, une chanson souvent jouée lors de funérailles, était dédiée à sa nièce Karine, emportée par la maladie à 16 ans : «Vole, vole petite flamme. Vole mon ange, mon âme. Quitte ta peau de misère. Va retrouver la lumière.»

Ça suffit !

Clips et hits sont également des tribunes pour crier son agacement ou son désir de liberté. En 1998, le chanteur George Michael (1963-2016) est interpelé pour attentat à la pudeur dans des toilettes publiques et contraint à faire son coming-out. De cette situation embarrassante, il tire une chanson et surtout un clip plein d’humour que personne n’a oublié : «Outside». Il y tourne son arrestation en dérision et prône l’amour en toute liberté. Amy Winehouse, morte le 23 juillet 2011 à l’âge de 27 ans, fatiguée de s’entendre conseiller des cures de désintoxication, sort «Rehab» en 2006 et répond «No ! No ! No !».

Exaspéré d’être victime de rumeurs, Michael Jackson (1958-2009) ajoute un titre à la version CD de l’album «Bad» (1987) : «Leave Me Alone» (Laissez-moi tranquille !»). La vidéo est aussi parlante que ce coup de colère : on y voit des journaux titrant sur les calomnies et les sobriquets dont la presse anglo-saxonne affuble la star. Adoré autant que critiqué, l’artiste se représente, à la fin du clip, tel un manège géant, son corps plaqué au sol et enchevêtré dans des montagnes russes qu’il brise finalement comme des chaînes.

Lanceur d’alertes

Jackson, toujours discret, donnant peu d’interviews, est l’une des stars à avoir le plus utilisé son art pour s’ouvrir au public. De son ras-le-bol des groupies, dont certaines disent avoir un enfant de lui («Billie Jean»), à la forte influence que Diana Ross aurait eue sur lui à ses débuts («Dirty Diana»), MJ a écrit aussi des tubes lanceurs d’alertes, avec des références politiques et écologiques visionnaires. «Heal the World» (soigner le monde) et «Earth Song» (chanson de la Terre) épinglent la folie des guerres et, déjà, l’imprudence à l’égard de la nature et du climat. Le clip de cet appel désespéré montre des arbres abattus, des éléphants aux défenses arrachées, des vents destructeurs et une forêt brûlée. Enfin, «They Don’t Care About Us» critique l’antisémitisme, le racisme, la maltraitance et l’indifférence des autorités de certains pays. La star tourne deux clips pour ce hit : le premier montre des prisonniers révoltés, en alternance avec des images d’actu dont des passages d’hommes noirs passés à tabac par la police; l’autre se situe dans des favelas, quartiers très pauvres, de Rio.

En partage

Grâce à la musique, des voix très connues partagent leurs tourments existentiels, espérant un épilogue cathartique pour elles et leurs fans. Au sommet de sa gloire, à l’aube des années 1990, Madonna relate le décès de sa mère, emportée par un cancer à 30 ans. La star, encore fillette, en veut à son père de se remarier si vite. Elle confie tout cela dans «Oh Father» et reçoit beaucoup de lettres de personnes ayant vécu les mêmes difficultés.

Plus récemment, «L’Enfer», de Stromae, décrivant son passage à vide et ses idées noirs, a été critiqué. Jusqu’à ce que les scientifiques y voient un effet consolateur. Charles-Edouard Notredame, psychiatre pour enfants et adolescents, déclare sur BFM : «Il y a très longtemps qu’on milite pour que la parole se libère autour des idées suicidaires [… ] Le fait qu’une célébrité l’évoque si clairement est de nature à favoriser l’expression.» Son confrère, le Dr Nicolas Rainteau, conclut : «Qu’un artiste aussi respecté et talentueux parle d’un sujet aussi tabou a un impact énorme. Cette chanson peut sauver des vies en aidant certains à déculpabiliser et d’autres à sortir du silence.»

Cet article est paru dans le Télépro du 9/02/2023

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