Héros modèles : les films qui suscitent des vocations
Qui n’a pas un jour aspiré, devant une fiction, à vivre les mêmes aventures haletantes que le ou la protagoniste ? Certain(e)s ont rêvé trop fort. D’autres ont patiemment et sérieusement dessiné les contours de leurs songes.
Certes, tout le monde ne peut pas devenir Rocky ou Superman. Il reste que certains destins à l’écran ont éveillé bien des vocations… «Top Gun», par exemple, avec Tom Cruise et Kelly McGillis. Quand, en 1986, le jeune Tom Cruise fait voler son F-14 Tomcat sur les écrans, beaucoup de jeunes sont époustouflés par le spectacle, le danger, mais aussi la bravoure du pilote de chasse.
Le film suscite un regain d’intérêt pour l’armée de l’air américaine où se ruent maints candidats. L’événement est d’autant plus surprenant que le monde connaît alors une relative période de calme, plus d’une décennie après la guerre du Vietnam et cinq ans avant la guerre du Golfe. Mais les tribulations du lieutenant Maverick sont vraiment séduisantes ! Sa suite, «Top Gun : Maverick», est prévue en juillet de cette année.
«J’ai voulu être pilote !»
«J’étais en deuxième secondaire quand j’ai vu ce long métrage, j’ai tout de suite voulu être pilote !», raconte au Times Carl Forsling, devenu pilote d’hélicoptères et d’avions dont le V-22 Osprey. « »Top Gun » a changé la perception qu’avaient les civils de l’armée de l’air et des combats aériens. Les vols étaient superbes, la vitesse enivrante. Le film, très esthétique, est devenu emblématique. C’est sans doute aussi parce que les producteurs ont utilisé de vrais terrains et équipements militaires.»
Comme Bond, James Bond
Autre surprise, une franchise de longue date assumant son côté «ce n’est rien que du cinéma» a fait naître de réelles envies professionnelles : les James Bond !
Harry Ferguson, 60 ans, ancien officier du MI6, le service de renseignements du Royaume-Uni, a confié au Guardian : «007 me faisait rêver, et mon entrée aux Renseignements s’est passée de façon inattendue. J’étais en dernière année à Oxford quand mon professeur titulaire m’a dit : « Que voulez-vous faire de votre avenir ? » J’ai dit songer à la police ou à l’armée. Lui : « Avez-vous déjà pensé à travailler pour votre pays ? » Je n’avais qu’une vague idée de ce dont il parlait, mais j’ai répondu oui. C’est ainsi que j’ai été recruté, « à l’ancienne », sur simple échange de paroles. Après ça, j’ai reçu une enveloppe d’un département gouvernemental anonyme me conviant à une entrevue à Londres. On aurait dit le scénario d’un roman de Ian Fleming ou de John le Carré ! Je savais que le travail n’allait pas être aussi spectaculaire que celui de James Bond, mais j’étais curieux d’en savoir plus, car je ne connaissais même pas la différence entre MI5 et MI6.»
Aujourd’hui, juste retour des choses, Ferguson, auteur de «Spy – A Handbook» (Espion – Un manuel didactique, 2004), est journaliste-chroniqueur spécialisé dans l’espionnage et a participé à l’élaboration de la série télé «Blacklist» où l’acteur James Spader incarne un criminel devenu informateur du FBI… La boucle est bouclée.
Moqués puis respectés
Plus modernes, voire futuristes, des scientifiques actuels doivent l’inspiration de leur métier aux œuvres de science-fiction littéraires et cinématographiques dont certaines, parfois très anciennes, semblaient totalement farfelues à leur sortie. Fan des récits d’Isaac Asimov («Les Cavernes d’acier», 1954 ; «Les Robots», 1967…) et de leurs adaptations à l’écran (dont «I, Robot» avec Will Smith en 2004), Murray Shanahan a souhaité devenir professeur de robotique cognitive.
Désormais éminent enseignant à l’Imperial College de Londres, il étudie l’intelligence artificielle (IA) et a été conseiller pour le film «Ex Machina», thriller applaudi en 2015, où des chercheurs se demandent si des robots pourraient avoir une conscience et de la sensibilité. «Ma passion a démarré tôt», se rappelle Shanahan. «J’ai fait mes études à la fin des années 1970 quand les ordinateurs balbutiaient encore. J’ai étudié sur le génie électrique et la neurologie humaine afin de comprendre comment la fonction cérébrale humaine peut être utilisée pour l’IA. Ce sujet est maintenant un domaine d’études respectable et respecté. Et dire que quand je les lisais ou voyais leurs récits au cinéma, Asimov ou H.G. Wells passaient pour des illuminés !»
Et si ce n’était pas du cinéma ?
On peut parfois se demander qui de la réalité ou de la fiction a fasciné l’autre. Ou qui manipule qui. Car à la sortie de «Top Gun», des services officiels ont reconnu avoir agi pour encourager les jeunes générations à s’enrôler ! Une synergie entre Hollywood et les forces armées devenue courante. Chaque branche militaire a un bureau à Los Angeles où elle collabore avec les producteurs de films et de programmes télévisés.
Le colonel Brett Lee, directeur des affaires publiques de l’armée, ajoute : «Peu importe que les héros de certains films combattent des robots, des extraterrestres ou qu’ils pilotent des hélicoptères Blackhawk, la représentation d’un jeune soldat dans un blockbuster aura plus d’impact, dans le recrutement de militaires, qu’une pub de 30 secondes.» Pour le tournage de «Top Gun», les autorités avaient ainsi donné accès à deux porte-avions et à plusieurs bases de la marine. Le Pentagone espère que cette suite inspirera une nouvelle génération de militaires et a soutenu la production du film dans ce but…
Chef-concierge dans un palace
Membre de l’association des Clefs d’Or, une association mondiale de concierges, Simon Delcomminette a été inspiré par «Hôtel», série créée par Aaron Spelling en 1983 avec James Brolin : «J’en retiens l’élégance, la simplicité, la discrétion. J’ai été séduit par la douceur de vivre offerte aux visiteurs, qui a éveillé mon envie de « servir » et de satisfaire une clientèle prestigieuse. Dès mes débuts dans l’hôtellerie de luxe (à Bruxelles), puis de grand luxe (Le Royal Luxembourg), je devinais les demandes des résidents, leurs souhaits les plus fous. Trente-cinq ans plus tard, mon métier reste une passion.» Simon continue de visionner des films sur «son» univers : «Le Concierge du Bradbury», avec Michael J. Fox (1993), «The Grand Budapest Hotel» (2014) ou la récente mini-série «Grand Hôtel» (2020), avec Carole Bouquet. Il est allé sur les lieux du tournage de la fiction qui a fait naître sa vocation : «Au Fairmont Hotel de San Francisco (le St Gregory dans le feuilleton, ndlr), le chef concierge de cette époque, Tom, m’a montré le confort et le luxe de cette maison extraordinaire. Aujourd’hui, il a 76 ans, est toujours là, il n’arrive pas à quitter cet hôtel ni son fabuleux job !»
La philosophie de Bruce Lee
Patricia Ansion (Étalle) avait 13 ans quand un ami connaissant sa curiosité pour les arts martiaux lui a offert la biographie et un poster de Bruce Lee : «Mais j’ai dû attendre l’âge légal pour voir ses films ! Cette synchronisation de combats, la force et l’énergie qui émanaient de ce petit homme m’ont toujours étonnée. Plus tard, j’ai pratiqué l’aïkido, mais c’est dans l’iaido (techniques de dégainements, coupes, combats au sabre), difficile car très technique, que je me suis épanouie. Après trente ans de pratique et plusieurs voyages au Japon, à la source de cet art, je reste fascinée par celui-ci et cette philosophie, qu’il faut appliquer sur le tatami et dans la vie quotidienne. C’est pareil pour le kung-fu que j’ai aussi découvert. Quand je revisionne les films de Bruce Lee, j’aime y retrouver ces fondements. Si j’avais pu le rencontrer, je lui aurais dit : « Merci, Maître, de m’avoir donné cette petite flamme ».»
Cet article est paru dans le Télépro du 21/01/2021
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