Gentlemen charmeurs : sont-ils encore à la page ?

Benedict Cumberbatch, 45 ans, modèle parfait du gentleman version 2.0 © Isopix

Selon livres et fictions, un gentleman cultive élégance et éthique, est mesuré et galant. Une stratégie toujours payante aujourd’hui ?

Existe-t-il une chevalerie moderne ? Pour le Britannique John Bridges, spécialiste de l’«étiquette» et auteur de la série de livres «How to Be a Gentleman», vendue à plus d’un million d’exemplaires, la posture reste un art. Qu’il adapte, du reste, au fur et à mesure des éditions de ses ouvrages, aux pratiques du XXIe siècle tout en y maintenant les principes de base : politesse, courtoisie, attention aux autres, galanterie, sophistication, loyauté…

Modèle…

Peu d’acteurs dégagent, comme lui, autant de charme. Le Londonien Benedict Cumberbatch, 45 ans, considéré comme l’un des comédiens les plus talentueux du moment, est aussi un modèle du genre: diction parfaite, élégance, raffinement et goût très sûr. Ce faisant, il n’a pu qu’attirer la convoitise des créateurs de mode et d’accessoires. Le héros de «Sherlock», «Doctor Strange» et «Imitation Game», aussi brillant que généreux, a par ailleurs été nommé par la reine Élisabeth II, en 2015, commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique pour services rendus aux arts et pour ses activités caritatives.

Lié à la gentillesse

Parmi les représentants de cette élégance et de cette discrétion naturelles : l’acteur Colin Firth. Avec deux rôles légendaires : celui de l’aristocrate Fitzwilliam Darcy dans «Orgueil et préjugés», adaptation télé du célèbre roman de Jane Austen, et celui de son double moderne, Mark Darcy, dans la saga cinématographique des «Bridget Jones» (1996, 1999, 2013). Sans oublier l’incarnation de George VI du «Discours d’un roi» (2010) grâce à laquelle il a été oscarisé. Toujours tiré à quatre épingles, même en pull de Noël, Firth fait preuve dans la vie de la même retenue que celle de ses héros sur pellicule. Ce qui lui a valu, en 2017, d’être élu Gentleman de l’année par le magazine Country Life. Affable, le comédien déclare qu’être un gentleman «est lié à la bienveillance». Firth se dit aussi d’accord avec Harry Hart, son personnage des «Kingsman» (2015, 2017), pour qui «un gentilhomme se définit par ses manières, son apparence, sa courtoisie et son empathie.»

Chevaleresque, mais discret

Colin Firth n’oublie pas la modernité, susceptible d’écorner quelque peu l’image du chevalier servant : «Un vrai gentleman ne devrait apparaître dans les journaux ou sur le Net que trois fois dans sa vie : pour annoncer sa naissance, son mariage et sa mort. Nous sommes trop obsédés par la publicité, les selfies, la nourriture et tout ce que nous avons hâte de mettre en ligne. Il est important de ne pas oublier l’intimité de tous, et pas seulement celle des personnes connues.» Ainsi, Firth n’étale jamais son esprit chevaleresque et philanthropique. Engagé dans de nombreuses actions caritatives – Oxfam, Amnesty International, Progreso, les cafés du commerce équitable -, il ne parade pas. Et tente même de gommer son image trop parfaite en «s’abîmant» dans des contre-emplois tels ceux de «Mamma Mia !» ou «Nanny McPhee». En vain. Le public préfère se pâmer devant ses exploits de «Kingsman» où ses cascades ne froissent pas ses costumes. Rien à faire, les spectateurs – et surtout les spectatrices ? – aiment le voir en dandy distingué !

Hugh Grant, pour sa part, a encore du mal à trouver la définition exacte du gentleman moderne, malgré sa répartie légendaire : «Elle touche moins l’apparence que les qualités morales : n’avoir qu’une parole, rembourser ses dettes, rendre des livres empruntés (rires). Je respecte ces gars qui y pensent ! C’est cool.» En ce qui concerne l’éducation, le héros de «Raison et Sentiments» ajoute : «Je conseille à mes enfants d’avoir de la discipline. Il est si facile de se soustraire aux obstacles ou aux moments difficiles. Mais dans ce cas, vous n’obtenez rien et encore moins l’estime de soi. Ce qui peut devenir toxique !»

Rester viril

Matthew McConaughey tient, lui aussi, à inculquer à sa progéniture «le respect et le sens de l’humour.» «La vie est suffisamment frustrante», confie-t-il, «autant savoir rester soi-même. Votre entourage peut vous y aider ! Et quand vous avez des enfants, occupez-vous d’eux au maximum. L’homme n’est jamais plus masculin qu’à cette période de la vie. C’est aussi ça être gentilhomme !» Selon Brad Pitt, le gentleman évite de jouer aux durs. «Les hommes qui étouffent encore leurs émotions risquent de se retrouver en thérapie. Nous portons tous de la douleur, du chagrin. Nous passons le plus clair de notre temps à les cacher, mais elles sont là. Alors, ouvrons les vannes, c’est libérateur !»

L’ego au placard

Pierce Brosnan, 68 ans, incite à garder une certaine réserve et à trouver sa confiance intérieure. «Je ne suis pas toujours charmant, il m’arrive d’être de mauvais poil et piquant, de me lever du pied gauche !», confie-t-il. «Alors il faut trouver la force de continuer la journée en avançant du pied droit !» Et attention à la fierté mal placée : «Deux de mes fils sont mannequins. Je leur conjure de ne pas trop se prendre au sérieux, de rester humbles, avenants, de travailler dur et de soutenir leur entourage. En définitive, je leur apprends à nager et à surmonter les vagues dans les eaux de l’ego !»

Héros moderne mais romantique

Les nouvelles générations sont conscientes que se comporter en gentleman au XXI e siècle est un équilibre subtil. Et que le concept doit s’adapter à notre époque. Regé-Jean Page, alias Simon Basset dans «La Chronique de Bridgerton», a eu tout le loisir d’observer les nuances entre l’époque de la Régence (XVIIIe siècle) et aujourd’hui : «Entre les exigences de virilité et de galanterie, la masculinité a toujours été complexe. Le lâcher-prise émotionnel est considéré comme une menace pour les mâles. Or, à la seconde où vous arrêtez d’être macho pour être vous-mêmes, vous laissez apparaître ce qu’il y a de meilleur en vous. C’est une attitude de gentleman. Et c’est ce qui permet à mon personnage, Simon, d’être un héros romantique aussi généreux, intelligent et sensible qu’un « homme bien » moderne !»

Cet article est paru dans le Télépro du 30/09/2021.

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