Garry Kasparov échec au tsar !

Garry Kasparov, à droite, joue le premier coup lors du dernier match de son tournoi en six parties contre Deep Blue d'IBM, le champion international d'échecs sur ordinateur de l'ACM © H. RUMPH JR./ AP / SIPA

L’ancien champion d’échecs Garry Kasparov placé sur liste des ennemis de la Russie. Un destin hors du commun à voir dimanche sur Arte à 22 h 50.

Le journal d’investigation russe Novaïa Gazeta l’annonce le 6 mars dernier : le service des renseignements financiers du Kremlin vient de placer sur la liste des personnes déclarées « terroristes et extrémistes » l’ancien champion d’échecs Garry Kasparov. Celui-ci a dû voir venir le coup depuis longtemps : il est un opposant notoire du président Vladimir Poutine. Comment cette icône de l’URSS puis de la Russie en est-il arrivé là ? Itinéraire d’un surdoué qui rêve de mettre mat le nouveau tsar de son pays.

Ouverture

De son vrai nom Garik Kimovitch Weinstein, Garry Kasparov voit le jour à Bakou, la capitale de la république d’Azerbaïdjan, le 13 avril 1963. Ses parents sont tous deux ingénieurs dans le pétrole. C’est son père, Kim, qui l’initie aux échecs : le petit garçon n’a que 5 ans. Il en a à peine 10 lorsqu’après le décès de son père, mort d’un cancer, il commence à s’entraîner avec le grand maître international Vladimir Makogonov. Élevé par sa mère, il prend le nom de famille de celle-ci (Kasparova) pour devenir l’impétueux Garry Kasparov. Et passe à l’attaque.

Simply the Best

Champion junior d’Union soviétique à 13 ans, champion du Monde junior à 16, grand maître la même année ; il monte quatre à quatre les marches qui le conduisent vers les sommets de sa discipline. Première victoire internationale en 1982, numéro 2 mondial en 1983. Devant lui, il n’y a plus qu’un homme : Anatoly Karpov. La rencontre pour le titre entre les deux hommes est fixée au 3 septembre 1985 à Moscou. Elle est homérique. Un témoin raconte : « 1.500 personnes sont dans la salle, des milliers à l’extérieur, tout autour de la place Maïakovski bouclée avant le début de la compétition ». Le 24e et dernier match commence. Karpov est mené 4 à 3. Il doit à tout prix gagner pour revenir à hauteur de son adversaire et conserver son titre. Malgré sa combativité et son intelligence du jeu, il ne reviendra jamais dans la partie. À 22 ans, Garry Kasparov devient le plus jeune champion du Monde d’échecs de l’histoire.

Contre la machine et le régime

Son règne dure quinze ans. Un événement marque celui-ci. En 1996, Kasparov accepte d’être opposé à l’ordinateur Deep Blue, conçu aux États-Unis par IBM. Il bat la machine prétendument capable de penser plusieurs millions de coups par seconde. En 2005, lui qui a tout gagné décide de changer d’échiquier. À partir de ce moment, c’est sur celui de la politique qu’il va s’exprimer.

Dans les années 1980 et 1990, il avait soutenu Mikhaïl Gorbatchev et Boris Eltsine. Dorénavant, c’est contre le nouveau roi du Kremlin qu’il décide d’avancer ses pions. En vue des élections présidentielles de 2008, il tente de regrouper les opposants sous la bannière du Front civique unifié. Arrêté lors d’un rassemblement anti-Poutine à Moscou en 2007, il passe cinq jours en prison. En 2013, il s’exile aux États-Unis pour éviter les représailles policières et prend la nationalité croate.

«Un honneur !»

Prix des droits de l’Homme de l’ONU, en 2013, il est désigné par Moscou, en 2022, comme « agent étranger ». Cela ne l’empêche ni d’écrire (en 2015, il publie : « L’Hiver arrive – Pourquoi Vladimir Poutine et les ennemis du monde libre doivent être arrêtés ») ni de parler. À la mort de l’opposant Alexeï Navalny, le 16 février, il déclare sur le réseau social « X » : « Navalny a été tué pour avoir dévoilé les escrocs et les voleurs que sont Poutine et sa mafia ». Figurer sur la liste des « terroristes et extrémistes » ? « Un honneur », ironise-t-il. Non, son roi n’est pas couché sur l’échiquier. Garry Kasparov continue la partie.

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