Gabrielle Chasnel, côté obscur de Coco Chanel

Coco Chanel © Isopix

«Un héritage au parfum de scandale», tel est le sous-titre d’«Histoires de famille» (ce vendredi à 13h50 sur RTL-TVI) qui se penche sur le passé trouble de la célébrissime créatrice Coco Chanel (1883-1971).

Deux «C» entrelacés. Un logo qui représente à lui seul le «luxe à la française». Et qui a rapporté une fortune à une famille dont ce ne sont pas les initiales…

De fil en aiguille

Gabrielle Bonheur Chasnel voit le jour à Saumur le 19 août 1883 dans un milieu modeste. Dès 12 ans, elle apprend les rudiments de la couture. À 18 ans, elle perfectionne son maniement du fil et de l’aiguille chez sa tante avant de trouver une place dans un atelier de layettes et trousseaux. Le jour, Gabrielle coud. Le soir, elle attire les regards sur scène. En 1907-1908, elle pousse la chansonnette dans un café-concert, interprétant à l’envi «Qui qu’a vu Coco dans l’Trocadéro ?». Son surnom est trouvé : Coco Chanel est née.

Femme du monde

Coco a bien l’intention de sortir de sa condition de petite main. Ses créations de chapeaux et son look androgyne ne passent pas inaperçus. Elle ouvre une première boutique en 1910 à Paris, au 21 rue Cambon. L’établissement accueille encore aujourd’hui les fashionistas fortunées. Puis à Deauville en 1913.

Chanel révolutionne la mode en libérant le corps des femmes : les tailles sont desserrées, les jupes raccourcies. Elle allie avec élégance masculin/féminin, faisant entrer le pantalon et le cardigan dans la garde-robe des dames. Elle ouvre, en 1915, sa première Maison de Couture à Biarritz.

Le pif des investisseurs

Pendant ce temps, un homme se taille une place de choix dans le milieu : Ernest Wertheimer, homme d’affaires juif d’origine alsacienne. Déjà propriétaire de la moitié de l’entreprise de cosmétique Bourjois, il finance la construction des Galeries Lafayette. Paul et Pierre, ses fils, reprennent ensuite le flambeau. En 1921, à l’hippodrome de Deauville, un ami leur présente une couturière ambitieuse, désireuse de lancer son propre parfum. La fragrance est prête, le nom choisi : Chanel n°5.

Ne lui manque qu’un financement. La fratrie Wertheimer flaire le bon filon. En 1924, ils fondent ensemble la société Parfums Chanel. Les Alsaciens possèdent 70 % des parts, Coco seulement 10 % (le reste est détenu par des intermédiaires). Pendant un temps, cette répartition convient à la créatrice. Mais à la fin des années 1920, elle se rebiffe. Lorsque la Seconde Guerre éclate, elle pense avoir trouvé comment régler son problème. S’ouvre alors un chapitre obscur de son histoire…

Collabo ?

En 2011, le journaliste américain Hal Vaughan publie «Au lit avec l’ennemi, la guerre de Coco Chanel». L’ouvrage fait grand bruit. En plus de son idylle avec un officier nazi, qui lui permet de continuer à séjourner au Ritz pourtant réquisitionné par le régime nazi, Gabrielle aurait collaboré avec les services d’espionnages SS.

Recrutée par l’Abwehr, les services de renseignements allemands, elle serait devenue l’agent F-7124. Nom de code : Westminster, d’après le patronyme d’un ancien amant. En échange, elle espère faire libérer son neveu, prisonnier d’un camp. Lors de l’opération Modelhut («chapeau de couture»), elle aurait même dû jouer les intermédiaires entre Churchill et l’Allemagne si elle n’avait pas été dénoncée.

Grâce aux lois anti-juives, elle espère aussi récupérer la totalité de son entreprise de parfums, les Juifs étant obligés d’abandonner leurs activités. Mais les Wertheimer, avant de s’exiler aux États-Unis, ont eu la bonne idée de la transférer à un Français non-juif. À la Libération, Mademoiselle Chanel est arrêtée, mais Churchill la fait rapidement libérer. Coco antisémite ? Les opinions divergent…

L’après-guerre

En 1954, après dix années en Suisse, Coco ré-ouvre sa maison de Couture, fermée à l’annonce de la Seconde Guerre. Comble de l’ironie, c’est Pierre Wertheimer qui lui évite la faillite en lui rachetant Chanel contre un franc symbolique, en échange de 2 % des bénéfices et du financement de son train de vie.

Aujourd’hui, ce sont les petits-fils d’Ernest Wertheimer qui dirigent le groupe de luxe. Cinquième fortune française selon le magazine Forbes, Alain et Gérard seraient chacun à la tête de 31 milliards de $. Gabrielle Palasse-Labruine, petite nièce et unique héritière de Coco, ne touche pas un centime. 

Cet article est paru dans le Télépro du 1/9/2022

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