François Truffaut : l’éternel enfant triste

François Truffaut, porte-drapeau de la Nouvelle Vague © Isopix

Décédé très tôt, à 52 ans en 1984, le cinéaste laisse une œuvre magistrale et éclectique, empreinte de ses propres souvenirs et souffrances. Ce mardi à 20h50 dans «Le Doc stupéfiant» sur France 5, Léa Salamé nous révèle «Les Secrets de François Truffaut».

Avec ses yeux noirs mélancoliques, l’icône mondiale du cinéma français dirigea ses acteurs sans jamais élever la voix, en s’appliquant toujours, disait-il, à ce que ses héros «témoignent de la fragilité humaine, car je n’aime pas les gens forts ou ceux dont les faiblesses ne se manifestent pas».

François Truffaut respecta d’autant plus le 7e art que celui-ci était devenu, dès l’enfance, son refuge et sa vraie famille.

Ceux qui sont en marge

«Jules et Jim», «La Nuit américaines» ou «Le Dernier métro» : toutes ses œuvres sont devenues mythiques car il fut un des seuls réalisateurs dont les «films d’art» parvenaient à toucher un large public. Truffaut apprit la magie de la pellicule en fréquentant les salles obscures dès l’âge de 8 ans.

Les fictions étaient une échappatoire pour ce môme non désiré, né de père inconnu et d’une mère peu aimante. Avec son nouveau mari, celle-ci laissait même le petit François seul durant les week-ends ou les fêtes de Noël. Le gamin se trouve alors des références à travers les œuvres de Chaplin, Renoir, Hitchcock, Cocteau, Clouzot. Se définissant comme asocial, il grandit sous l’Occupation qui lui donne «une vision horrible du monde des adultes». Pour lui, la vie reste à jamais «un conflit entre enfants et adultes, ceux qui contrôlent la société et ceux qui sont en marge».

Débutant comme critique dans les fameux Cahiers du Cinéma, le cinéphile-cinéaste choisit tout naturellement de dépeindre, dans son premier court métrage, «Les Mistons» (Prix du Meilleur réalisateur, Festival du Film de Bruxelles 1958), puis son premier long métrage, «Les 400 coups» (1959), les joies et peines de l’âge tendre.

Nouvelle Vague rebelle

Son coup d’essai est acclamé à Cannes qui adore son style en roue libre, réaliste et lyrique, et ses thèmes qui deviendront récurrents : la quête de l’amour et de la reconnaissance. L’ex-ado suicidaire, ex-déserteur militaire emprisonné en neuropsychiatrie, a trouvé sa raison de vivre. Il rejoint de jeunes metteurs en scène, ceux de La Nouvelle Vague : Resnais, Chabrol, Godard, Lelouch. Opposés aux codes académiques, ils s’expriment librement.

«Nos points communs ? On est entrés dans le cinéma par vocation et non par hasard, avec des désirs de simplicité et d’authenticité», explique Truffaut. Fidèle à son côté de doux rebelle, il se crée un double cinématographique, Antoine Doinel (campé par Jean-Pierre Léaud) dont on suivra le dilettantisme mélancolique dans plusieurs films dont «Baisers volés» et «L’Amour en fuite».

Cœur d’artichaut

Le réalisateur a d’autres héros autobiographiques, tel Bertrand Morane (joué par Charles Denner) dans «L’Homme qui aimait les femmes» (1977). Cœur d’artichaut, incapable de se fixer, Truffaut y portraitise un séducteur fasciné par le sexe dit faible, tout en cumulant, côté privé, des amours passionnées, mais souvent brèves, avec Catherine Deneuve (héroïne de son «Dernier métro», dix fois césarisé en 1980), Jeanne Moreau, puis Fanny Ardant.

Durant le tournage d’«Adèle H.» (1975), il avait aussi flanché devant la jeune Isabelle Adjani. François avouera : «La filmer a été une souffrance quotidienne pour moi, et presque une agonie pour elle.» Quand un cancer du cerveau emporte cet esprit tourmenté en 1984, les critiques saluent le but qu’il poursuivait et avait réussi à atteindre : «Exprimer la vérité sur les gens, leurs contradictions, leurs mensonges et leur sensibilité.»

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 2/7/2020

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