François Truffaut : éternel enfant sauvage

Avril 1974. Le cinéaste reçoit un Oscar pour son film «La Nuit américaine». © Tony Korody

Gamin maltraité, ex-délinquant, le prince de la Nouvelle Vague, qui s’est éteint il y a quarante ans, a trouvé son salut dans les salles obscures. Ce vendredi à 21h05, France 5 diffuse le documentaire «François Truffaut, le scénario de ma vie».

«Ma religion, c’est le cinéma», répétait celui qui passait toutes ses vacances à Nice. Non pas pour le standing, mais parce que c’était la ville française comptant le plus de salles obscures ! François Truffaut (1932-1984) y prolongeait une habitude de jeunesse : visionner plusieurs fictions par jour, quitte à en revoir certaines des dizaines de fois, comme les œuvres de Charlie Chaplin ou d’Hitchcock, ses inspirateurs.

Les refuges

«Mes deux cents premiers films, je les ai vus à la faveur de l’école buissonnière, en entrant sans payer par la sortie de secours ou les fenêtres des lavabos, ou en profitant, le soir, de l’absence de mes parents. Je payais ce plaisir de fortes douleurs au ventre, la peur en tête», confiait le passionné qui adorait aussi les livres. Ces évasions étaient un besoin.

Né en 1932 à Paris d’une fille-mère et d’un père inconnu (il retrouvera sa trace sans vouloir s’en rapprocher), l’enfant est placé en nourrice, puis chez sa grand-mère jusqu’à ses 8 ans. En rejoignant sa maman Janine et son mari, Roland Truffaut, François n’a pas le droit de courir ou de rire : «Ma mère ne supportait pas le bruit, enfin elle ne me supportait pas. Je devais faire oublier que j’existais.»

Vivre après les traumas

Le cancre court les cinémas et les bouquinistes avec un camarade. Le week-end, ses parents partent en randonnée en le laissant seul. Fugueur, il atterrit dans un établissement pour délinquants juvéniles où un psychologue conclut à «une situation familiale traumatisante». La réclusion le poursuit quand, devenu militaire, il déserte le service. Une figure paternelle de substitution, André Bazin, croisé dans les ciné-clubs, le fait alors libérer, le recueille et le fait entrer dans son journal Les Cahiers du Cinéma. Bon critique de films, Truffaut veut passer et exister derrière la caméra.

L’insoumis réalise «Les 400 coups» (1959), récit quasi autobiographique. L’acteur Jean-Pierre Léaud, alias le rebelle Antoine Doinel, y devient son double à l’écran. D’autres œuvres traiteront de l’âge tendre dont «L’Enfant sauvage» (1970) et «L’Argent de poche» (1976). Dans toutes ses fictions figureront des écoliers. Truffaut inspirera Steven Spielberg, qui remarque sa façon de les diriger : «Il s’accroupissait pour être à la hauteur de leurs yeux.»

Faire du bien

Le cinéaste met aussi les femmes en valeur avec des rôles forts : ce sont elles qui mènent la danse, telle Jeanne Moreau dans «Jules et Jim» (1962). Cœur d’artichaut devenu père de deux filles (Laura et Eva, qu’il a eues avec Madeleine Morgenstern avant leur divorce), cet artiste en manque de mère tombe vite amoureux de ses actrices. Fanny Ardant, qu’il dirige deux fois, lui donne une troisième fille, Joséphine.

Tout au long de sa carrière, la critique salue l’humanisme du réalisateur de «La Peau douce» (1964), «L’Homme qui aimait les femmes» (1977) et «La Nuit américaine» (1973), couronné par l’Oscar du Meilleur film étranger. Bien d’autres chefs-d’œuvre auraient pu suivre. Mais un cancer du cerveau emporte François Truffaut à 52 ans, en octobre 1984. «Je fais des films pour me faire du bien et, si possible, faire du bien aux autres», disait-il.

Cet article est paru dans le Télépro du 17/10/2024

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