Francis Ford Coppola de retour à Cannes avec son testament « Megalopolis »
La montée des marches restera dans l’histoire, le film pas forcément : Cannes a déroulé le tapis rouge jeudi à Francis Ford Coppola, 85 ans, qui dévoilait « Megalopolis », présenté comme son chef d’œuvre ultime mais qui risque d’assommer.
« Je dédie mon film à l’espoir et aux enfants. Créons un monde pour les enfants », a déclaré le réalisateur, sous les applaudissements à la fin de la projection officielle.
« On ne fait pas de l’art si on ne prend pas de risque », a souligné le cinéaste de légende dans une interview sur France 2 enregistrée avant sa montée des marches, à propos de ce projet pharaonique dans lequel il a investi sa fortune personnelle à hauteur de 120 millions de dollars.
A New Rome, une mégapole de fiction au croisement de New York, de la Rome antique et de Gotham City, Francis Ford Coppola imagine la lutte entre un maire vieillissant, joué par Giancarlo Esposito, et le président de sa commission d’urbanisme, joué par Adam Driver.
Ce dernier veut rebâtir la ville, dont les statues s’effondrent, à partir d’un matériau révolutionnaire de son invention, le Megalon, qui doit remplacer le béton. Et tombe amoureux de la fille de son rival, jouée par Nathalie Emmanuel (« Game of Thrones »).
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« Megalopolis » explore de nombreuses pistes – Adam Driver peut arrêter le temps d’un claquement de doigts, ce qui l’empêche de faire une chute vertigineuse du haut d’un building, un satellite soviétique menace de s’écraser et dévie de sa trajectoire, Shia LaBeouf conspire contre le pouvoir – pour les abandonner ensuite.
Il passe d’une citation de Shakespeare à une image d’archive d’Hitler, et porte une critique de la société capitaliste et du populisme à la Donald Trump – qu’on aurait pu attendre plus affûtée de la part de l’auteur de « Apocalypse Now », chef d’oeuvre au tournage dantesque qui résonnait à son époque avec les plaies d’une Amérique sortant de la guerre du Vietnam.
« Nous pourrions perdre notre république. La république et la démocratie sont précieuses, avoir un roi ce serait revenir en arrière », a insisté le réalisateur sur France 2.
Potentiel incertain
Comparant l’Amérique d’aujourd’hui à l’empire romain décadant, le film mêle éléments de science-fiction, pensée new age et style néo-antique. Un mélange qui risque fort de perdre son public.
Mais peut-être que ce film, ne ressemblant à aucun autre, fera chavirer le jury présidé par Greta Gerwig ?
Après quarante ans de gestation, pendant lesquels Coppola a rêvé de ce projet sans le concrétiser, le réalisateur y a englouti une partie de sa fortune, jusqu’à vendre des vignes. A Cannes, il prend le risque d’aller en compétition, espérant une troisième Palme d’or qui serait historique, après « Conversation secrète » (1974) et « Apocalypse Now » (1979).
« Quand tout le monde me critiquait, Cannes a changé le regard du public sur +Apocalypse now+, alors pour ce film, qui sait? », a relevé Coppola dans son interview.
Signe de son potentiel commercial très incertain, « Megalopolis », produit en dehors des circuits des grands studios, n’a pas encore trouvé de distributeur aux Etats-Unis.
Comment imaginer le distribuer largement alors qu’en plein milieu des 02H18 du long métrage, un acteur en chair et en os se lève dans la salle de cinéma pour s’adresser en direct à l’écran, pour un dialogue avec Adam Driver ?
Reste la brochette d’acteurs cinq étoiles, stars des années 1970 comme Jon Voight et proches de Coppola dont sa soeur, Talia Shire, qui joue la mère du personnage d’Adam Driver ou encore Laurence Fishburne, qui jouait adolescent dans « Apocalypse Now ».
Leur montée des marches, chapeau de paille et canne à la main pour Coppola, sur la musique du « Parrain », restera dans l’histoire du Festival, comme le probable adieu d’une des dernières légendes du Nouvel Hollywood. Et une grande absente pour Coppola, son épouse Eleanor, à qui il a été marié soixante ans, décédée le 12 avril.
fbe/may/swi
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