Francis Blanche, maître du loufoque

Francis Blanche © Getty Images

Issu de la première lignée d’humoristes « poil à gratter » et fabuleusement sans-gêne, l’homme-orchestre, disparu il y a cinquante ans, a marqué plusieurs générations de comiques. Ce vendredi à 20h30, La Trois diffuse le documentaire « Les 100 vies de Francis Blanche ».

Père spirituel de Coluche, des Nuls et des Inconnus, Francis Blanche a vécu vite, mais bien. Né en 1921, emporté par une crise cardiaque en 1974, à 53 ans, car il tenait à être bon vivant malgré son diabète, l’artiste a cumulé les plaisirs. En étant un turbulent élève pressé de réussir son bac à 15 ans pour oublier l’école et devenir à la fois chansonnier, chanteur, auteur de hits (pour Édith Piaf, Charles Trenet, Les Frères Jacques, Tino Rossi) et de sketches, comédien de théâtre et au cinéma.

Cet homme tout rond, portant souvent la moustache rieuse, avait de qui tenir. Francis Jean Blanche était le fils de Gustave Blanche, grand photographe, et de Marie Lambert, comédienne de théâtre reconnue. Mais aussi le petit-fils de Claude Blanche, violoniste réputé, de Sophie Durand, chanteuse d’opéra, d’Henri Lambert, comédien parisien, et de Juliette Duval, danseuse de revue. D’une pareille généalogie ne pouvait naître qu’un talentueux artiste touche-à-tout !

Roi de la provoc’

Le membre des Branquignols renonce à une voie universitaire trop lisse, débute sur de petites scènes, y croise Pierre Dac, son aîné et alter ego. Tous deux pratiquent l’humour absurde et l’humour noir. Leur amitié démarre tel un sketch : ils s’invectivent, Dac reprochant à Blanche de lui piquer son pré carré. Leur réconciliation en fait des duettistes au diapason. Notamment avec le numéro d’anthologie : « Le Sâr Rabindranath Duval », pastiche des numéros de fakirs et de voyants. Le public est hilare. Les humoristes aussi, car ils se sont lancé un défi : se surprendre et se faire rire l’un l’autre.

Cette surenchère et cette excentricité font aussi des étincelles en radio avec « Signé Furax ». Blanche, capable de dire les pires bêtises avec le plus grand sérieux, invente le canular téléphonique. Un jour, il appelle en direct l’administratrice d’un pensionnat de jeunes filles en se faisant passer pour un proviseur de lycée de garçons et en proposant une visite de ces derniers. Dans la vie : même provoc’. Avec sa Cadillac, il emboutit une Citroën 2 CV garée juste devant, insiste jusqu’à ce que la maréchaussée intervienne et lui demande ses papiers. Francis obtempère en montrant ceux de la « deuche » qui est aussi à lui !

Derrière le masque

Toujours avec Pierre Dac, il fonde le « Parti d’en rire » pour « réconcilier les œufs brouillés ». Gagnant très bien sa vie mais incapable de mettre des sous de côté, l’artiste a affaire au fisc. Un jour, il paye ses impôts en petite mitraille que des potes se chargent d’amener à bon port. C’est cette dèche qui l’amène à faire du cinéma. Et à entrer dans le cercle des « Tontons flingueurs ». Les dialogues sont d’un autre as de la gouaille, Michel Audiard. Ça n’empêche pas Francis d’ajouter des répliques dont l’inoubliable : « Touche pas au grisbi, sal*** ! »

En revanche, les spectateurs ne connaissaient pas son côté ultra sérieux. « Francis était un type complexe qui travaillait tout le temps », assure le journaliste Jacques Pessis. « Il se cachait derrière ce masque de joie. Son humour était celui des mots, de l’esprit français. Dans les écoles, on apprend certains de ses textes, preuve qu’il est indémodable ! » Pas mal pour un ex-joyeux cancre…

Cet article est paru dans le Télépro du 3/10/2024

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