Ferrat, la chanson comme guérison
Pour commémorer les dix ans de la mort de Jean Ferrat, disparu le 13 mars 2010, France 3 propose, ce vendredi soir, le portrait d’un chanteur qui était plus qu’une voix.
Un demi-sourire, un regard malicieux, une fière moustache, le Parti Communiste, la montagne, l’Ardèche, la poésie et l’engagement… Jean Ferrat, c’était tout cela à la fois. Mais que sait-on réellement de ce chanteur à la voix d’or et pourtant si taiseux ?
C’est tragique la vie
Début des années 1960, la France découvre une nouvelle voix, celle de Jean Ferrat. Avec ses deux premiers titres, «Ma Môme» et «Deux enfants au soleil», le public applaudit et classe rapidement ce nouvel artiste dans la catégorie des chanteurs de charme. Un peu trop rapidement.
En 1963, alors que l’heure est à la réconciliation franco-allemande après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, personne ne se risque à parler des sujets qui fâchent. Jean, lui, veut se souvenir. Il sort alors «Nuit et Brouillard». «Les Allemands guettaient du haut des miradors, la lune se taisait comme vous vous taisiez», assène dans ce titre Ferrat, histoire de rappeler au bon souvenir de l’Hexagone la passivité dont certains ont fait preuve durant l’occupation. Les auditeurs sont émus et adhèrent. En 1964, Ferrat reçoit le prix de l’académie du disque Charles Cros.
S’il ne se gêne pas pour mettre les pieds dans le plat, c’est parce que l’atrocité de cette guerre, Jean l’a côtoyée de près. En 1930, le chanteur naît Jean Tenenbaum, d’une mère française et d’un père russe, Mnacha, de confession juive, immigré en France en 1905. «Mnacha sera emmené à Drancy et disparaîtra à Auschwitz parce qu’il avait, disait Jean, choisi de porter l’étoile jaune pour être en règle avec les lois françaises» relate la veuve de Jean Ferrat, Colette, dans une interview à Paris Match.
À peine âgé de onze ans, Jean comprend qu’être juif est dangereux. Pour préserver sa vie, il s’enfuit avec son frère aîné en zone libre, à Font-Romeu, dans les Pyrénées. Ils y trouveront refuge dans une planque chez des résistants communistes… Une tranche de vie dramatique qu’il mettra en musique, en 1991, avec «Nul ne guérit de son enfance».
Sur tous les fronts
Outre ses cicatrices personnelles, Jean Ferrat n’aura eu de cesse de mettre en mélodie ses engagements, notamment féministes, avec «La Femme est l’avenir de l’homme», morceau dans lequel il s’inspire de la maxime de l’une de ses idoles, le poète Louis Aragon. Et si l’on parle du Ferrat engagé, comment ne pas parler de politique. Ce n’est un secret pour personne, l’homme était fidèle à ses idéaux communistes, sans jamais toutefois adhérer au parti.
Des convictions mises en musique qui vaudront au chanteur d’être censuré plus d’une fois. Ne citons que «Potemkine», titre que Ferrat avait décidé d’interpréter alors qu’il était invité à se produire lors d’une émission en direct. L’ORTF lui demandera de choisir un autre morceau, Jean restera en coulisses.
«J’aimerais dormir»
Après une mauvaise chute en 2010, l’état de santé de Jean Ferrat est accablé de complications respiratoires et d’une infection nosocomiale. À bout de forces, le chanteur avoue à son épouse : «J’aimerais dormir». «Alors, petit à petit, on a tout débranché», raconte Colette à Paris Match.
Le 13 mars 2010, Jean Ferrat décède à l’âge de 79 ans. Colette perd l’amour de sa vie, et la France l’un des plus grands poètes chanteurs de son histoire musicale.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 5/3/2020
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