Esther Williams : et Dieu créa la naïade
Grâce au genre inédit des comédies musicales aquatiques dans les années 1940-50, l’actrice (1921-2013) deviendra la star inégalée de performances à la fois artistiques et athlétiques.
Esther Jane Williams fut la bonne personne au bon moment à Hollywood. Associant son expérience en natation à un solide apprentissage de la comédie, de la danse et du chant, elle plongea dans le bain cinématographique au moment où le Technicolor était en plein essor. Ondulant sur des chorégraphies de Busby Berkeley, déjà réputé pour les numéros de tap dance, elle rayonna au milieu de formations kaléidoscopiques de nageuses synchronisées, fendant l’eau tel un couteau dans les «aqua musicals» (littéralement : les comédies musicales aquatiques). Mais lorsque cette mode tomba à l’eau, elle fut à jamais prisonnière de cette image…
Indésirable
Née en 1921, Esther s’est très tôt accrochée à la vie. Et au milieu des eaux. Cadette de cinq enfants, elle est un bébé non désiré, sa mère ayant essayé plusieurs fois d’interrompre sa grossesse. Mais l’enfant paraît. D’un caractère fort et joyeux, elle passe son temps dans les piscines. À 16 ans, la future vedette enregistre déjà trois victoires aux championnats nationaux en nage libre et en brasse. Et rejoint l’équipe qui se présentera aux JO de Tokyo de 1940. Hélas, le début de la Seconde Guerre mondiale empêche l’événement.
La jeune femme devient alors artiste de music-hall, montant sur scène pour dérider les soldats, assurant des shows avec un certain Johnny Weissmuller, ex-nageur et interprète de Tarzan à l’écran (lire page ci-contre). Puis devient mannequin. La MGM, puissante industrie du 7e art, la repère sur l’une de ses photos en maillot. Le studio concurrent, la Twentieth Century Fox, ayant une star sportive, la patineuse artistique Sonja Henie, la MGM veut aussi une actrice-athlète. Ce sera Esther Williams !
Vertèbres fêlées
Innovants, les films de natation font de l’or au box-office. Esther surfe sur la vague et, tenue par un contrat, doit enchaîner les tournages. L’actrice dira plus tard : «Peu importait si le scénario était bon, on ne faisait que changer mon rôle et l’eau du bassin !» Les studios lui en construisent un de 250.000 $, 27 m² et 7,5 m de profondeur. Elle y exécute des numéros périlleux, vêtue de maillots à paillettes très pesants une fois mouillés.
Pour «Million Dollar Mermaid» («La Première sirène»), en 1952, Williams exécute un plongeon de 18 m avec une lourde coiffe. C’est le choc. Elle émerge avec trois vertèbres fêlées. Et raconte : «J’étais à deux doigts de me briser la moëlle épinière et de rester paraplégique.» Consciente d’être unique pour la MGM, la star garde le sourire, renégocie ses contrats et tient tête au pouvoir patriarcal. «Tant que vous n’aurez pas fait une longueur de piscine aussi vite que moi, je vous interdis de me crier dessus !», lance-t-elle au grand patron Louis B. Mayer.
Revanche
Mais celui-ci la renvoie sans ménagement quand les «aqua musicals» n’attirent plus les foules. Étiquetée, l’«actrice-sirène» peine à trouver d’autres rôles : «J’étais piégée. Doris Day, Debbie Reynolds et même John Wayne, toujours à cheval ou en uniforme, étaient, comme moi, catalogués. Chacun enfermé dans un système.»
Revanche et reconnaissance font surface en 1984, aux JO de Los Angeles où la natation synchronisée devient un sport officiel. Esther Williams reçoit alors le titre de marraine de cette discipline. En 1998, cinq ans avant sa mort (à 91 ans !), la légende confie : «Ingrid Bergman m’a dit : « J’adore regarder tes films, tu nages si bien ! Et contrairement à moi, tu n’avais pas besoin d’un acteur en face de toi pour être mise en valeur. Ma chérie, ton partenaire était ton maillot de bain ! »»
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