En musique : quand les acteurs donnent le « la » !
La musique est inséparable d’un bon film. Acteurs et actrices jouent parfois d’un instrument à l’écran. Mais jouent-ils vraiment ? Des profanes aux réels virtuoses, tous donnent le «la» avec émotion.
Jouer d’un instrument de musique est une expérience merveilleuse, mais exige de la persévérance. Margie Balter, pianiste à Hollywood, entraîne les stars et assure à Woman and Home : «Ils apprennent assez vite, car tous sont motivés et désireux de ne pas faire semblant ! Dans les années 1990, j’ai passé un an à enseigner les notes à Holly Hunter pour son rôle dans «La Leçon de piano» (primé aux Oscars en 1994), elle tenait à comprendre les principes fondamentaux. Quant à Tom Cruise, il est parvenu, en cinq semaines, à maîtriser une sonate de Haydn pour «Entretien avec un vampire» !»
Jusqu’à l’évanouissement
Et si la plupart ne l’avouent pas, déchiffrer une partition et manier l’instrument ne sont pas une partie de plaisir. Mélanie Laurent l’a vécu durant ses cours de violon pour «Le Concert» (de Radu Mihaileanu, 2009). «Le tournage m’a fait découvrir une magie que je n’oublierai jamais», assuret-elle. «Mais l’entraînement a été difficile. Je suis gauchère et le violon est le seul instrument qui ne peut pas être inversé : la main droite doit tenir l’archet ! C’est un geste si peu naturel pour moi que j’ai frôlé la tendinite.» Mais ses efforts lui ont fait vivre une jolie expérience : «La séquence du concert est d’une intensité exceptionnelle. Je me suis laissé submerger par la musique et suis entrée en transe. J’ai dû m’arrêter parce que j’ai commencé à trembler, j’ai lâché mon violon, puis j’ai commencé à pleurer ! J’avais l’impression que mon corps devenait la musique. C’était si violent et si beau que j’ai failli m’évanouir !»
Avec de vrais musiciens !
Meryl Streep s’en est très bien sortie aussi dans «La Musique de mon cœur». Elle y incarne la véritable prof de violon Roberta Guaspari. Et joue même une scène avec les mythiques violonistes Itzhak Perlman et Isaac Stern ! Wes Craven, le réalisateur, s’est étonné de son apprentissage rapide : «Ses gestes, son doigté, tout était parfait !» De très bonnes notes reviennent aussi à Robert Downey Jr qui, pour camper «Chaplin», a appris à jouer du violon de la main gauche, tout comme le faisait Charlot, avec des cordes inversées.
Se donner cordes et âme
Quant à Keri Russell, elle a dû s’attaquer au violoncelle pour «August Rush» (2007) et satisfaire la demande de la réalisatrice Kirsten Sheridan : «Elle voulait que tous les acteurs ressentent l’émotion de ce qu’ils jouaient !» Keri s’est entraînée durant trois mois, avec l’Orchestre philharmonique de New York, mais aussi chez elle : «Je plains mes voisins ! Mais le violoncelle n’est pas comme la guitare : le doigté doit être précis et pas simulé. J’ai aussi scruté les geste de vrais musiciens sur des vidéos.» Même régime pour son jeune partenaire d’alors, Freddie Highmore (futur «Good Doctor»), dont le rôle exigeait la connaissance de la guitare et la direction d’orchestre ! Sheridan raconte : «Si Freddie ne fonctionnait pas, le film ne fonctionnait pas non plus. Il a passé six mois à apprendre !»
Affrontements
Si tout s’est bien passé pour Bradley Cooper – deux heures de piano et deux heures de guitare par jour, pendant des mois, pour «A Star Is Born» –, acquérir des rudiments de guitare a été un enfer pour Keira Knightley lors de la préparation de «Begin Again» (2013). Celle-ci a demandé à son musicien de mari, James Righton, de l’initier. Mauvais plan. Elle a failli en venir aux mains : «Je n’écoute jamais attentivement la musique. Mon cerveau n’a pas cette faculté. J’ai perdu patience. J’ai failli tuer James ! Ne demandez jamais à votre conjoint de vous apprendre un instrument de musique !»
Hauts de gammes
D’autres ont la chance de connaître la musique. Comme Louis de Funès dont le premier métier fut pianiste et à qui Gérard Oury fit un cadeau inestimable en lui permettant de réellement diriger l’Orchestre de l’Opéra de Paris dans «La Grande vadrouille». Ou Anthony Hopkins, acteur oscarisé et grand compositeur, formé au piano dès l’âge de 10 ans, qui a offert un mini-concert à ses fans sur Instagram durant le confinement, en faisant des gammes avec son chat sur ses genoux. La jeune Noémie Schmidt, formée au Conservatoire, fait preuve d’un authentique talent dans «L’Étudiante et Monsieur Henri» (2015), et la nouvelle coqueluche Timothée Chalamet, pianiste avant d’être comédien, taquine vraiment les touches noires et blanches dans «Call Me by Your Name» (2017).
Bluesmen
Les héros de série ont aussi des talents cachés, tel Hugh Laurie, alias «Dr House», as de la batterie, de la guitare, du saxophone et du piano ! Celui qui a sorti l’album «Let Them Talk» et s’est produit en concert à Paris, au Grand Rex et à l’Olympia, assure avec malice : «Être acteur est un boulot, la musique est une passion». Et confie son rêve ultime: être bluesman. Un rêve partagé avec Clint Eastwood, 91 ans. «J’ai appris par moi-même, en racontant des histoires au piano bien avant de réaliser un film!», assure le comédien et réalisateur qui a lui-même composé les B.O. de six de ses films dont «Sur la route de Madison», «Mystic River» et «Million Dollar Baby».
Pour s’épanouir
La talentueuse Emily Blunt est également musicienne et mélomane. Virtuose du violoncelle – on peut l’écouter en regardant notamment «My Summer of Love» (2004) -, l’actrice doit beaucoup à cet instrument. Petite, elle était bègue et avait besoin d’autres moyens pour s’exprimer et s’épanouir. La communication via un archet et des cordes l’a aidée à devenir artiste. «Pour moi, parler était un enfer, j’étais humiliée par mes camarades. Avec la musique, je pouvais dire mes sentiments sans avoir à ouvrir la bouche.»
Ressenti physique
Certaines stars ont, elles, tâté un peu du clavier ou de l’archet sans toutefois persévérer. Jusqu’à ce qu’on leur propose un rôle dans une fiction liée à la musique. Toutes ont retrouvé les partitions avec un plaisir certain. Le plus doué, car enthousiaste et acharné, est sans conteste Ryan Gosling, revenu à ses premières amours pour les besoins de «La La Land», où il incarne un pianiste de jazz. «Au début, je me sentais malhabile, comme Bambi sur la glace !», dit l’acteur. «J’ai dû travailler six mois, quatre heures chaque jour.» L’effort est payant. Et bien que la musique de la B.O. ait été préenregistrée par le pianiste pro Randy Kerber, ce sont les mains de Ryan que l’on voit courir avec dextérité, à l’écran, sur le clavier !
Beaucoup de travail
Pour camper le directeur du Conservatoire national supérieur de musique dans «Au bout des doigts» (2018), Lambert Wilson a repris ses «études» : «J’avais fait quelques années de piano. Pour interpréter du Chostakovitch, je ne suis pas doublé, mais il m’a fallu énormément travailler pour jouer de manière convaincante. Mes séances de répétition avec Harry Allouche (compositeur et pianiste) m’ont permis d’entrer dans la réalité du film, de sentir physiquement mon rôle!»
Cet article est paru dans le Télépro du 3/03/2022
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