En Islande, la Première ministre, fan de romans noirs, sort son premier polar
Berceau des épopées vikings, l’Islande est une terre d’écriture, passion partagée par la majorité des insulaires, jusqu’au sommet de l’Etat comme le prouve la Première ministre en exercice, Katrín Jakobsdóttir, qui vient de sortir son premier roman.
Avec l’un des auteurs islandais les plus populaires, Ragnar Jónasson, un ami de longue date, elle signe « Reykjavík », un polar de 345 pages.
« De toute évidence, ce n’est pas quelque chose que je pensais avoir le temps de faire », a dit à l’AFP Mme Jakobsdóttir lors de la soirée de lancement du roman.
En poste depuis 2017, la quadragénaire, diplômée de littérature, s’est lancée au début de la pandémie.
C’est au cours d’un déjeuner début 2020 qu’est née l’idée d’écrire à quatre mains une fiction policière.
« J’ai été un peu surpris au début qu’elle accepte cette suggestion car elle est très occupée », avoue de son côté M. Jónasson.
L’écriture du roman a pris deux ans – en grande partie durant les restrictions liées au Covid 19, l’agenda chargé de la Première ministre donnant souvent le ton.
« Nous devions programmer les appels et planifier des réunions entre les moments où elle rencontrait (l’ex-Premier ministre britannique) Boris Johnson un jour et (le président français Emmanuel) Macron l’autre. C’était assez surréaliste pour moi de travailler dans cet environnement », confesse l’auteur, dont les livres se sont vendus à plus de trois millions de copies à travers le monde.
D’ordinaire habitué à écrire en solitaire et à avoir le plein contrôle de son récit, le romancier se félicite de cette nouvelle expérience.
« C’était rafraîchissant d’avoir quelqu’un d’autre avec qui vous deviez faire des compromis’, dit-il.
Pour la cheffe du gouvernement, les romans policiers ont une vertu thérapeutique.
« J’en ai lu toute ma vie, donc c’est un peu dans mon ADN », confie-t-elle comme pour justifier sa passion pour l’écriture.
« Je pense que chaque politicien a besoin d’avoir quelque chose pour s’aérer l’esprit des affaires quotidiennes de la politique ».
L’un de ses prédécesseurs, David David Oddsson avait déjà publié une fiction dans l’exercice de ses fonctions en 1997.
Sur l’île de l’Atlantique nord, une personne sur dix publie un livre au cours de sa vie.
Des airs d’Agatha Christie
« Reykjavík », qui doit notamment être traduit en anglais et en français, évoque un crime non résolu: la disparition d’une adolescente à Videy, une petite île au large de la capitale islandaise, oubliée pendant 30 ans jusqu’à ce que Valur, journaliste d’un tabloïd local, se penche sur l’intrigue.
Le roman se déroule en 1986, année où la capitale islandaise fête ses 200 ans, assiste à l’apparition de ses premières télévision et radio privées et se retrouve hôte d’un sommet historique entre les dirigeants américain et soviétique Reagan et Gorbatchev.
« Nous avons pensé que tous ces évènements ensemble créeraient le meilleur contexte pour une histoire », raconte M. Jónasson.
La critique locale est séduite.
« C’est une lecture très agréable, c’est bien écrit et bien documenté », affirme Egill Helgason, qui présente une émission littéraire à la télévision publique RÚV.
« Ça rappelle un peu Agatha Christie (…) C’est un mystère, pas une histoire d’horreur dégoulinante de sang », souligne le critique de 62 ans, disant identifier l’influence de la Première ministre.
Pour son premier polar, Katrín Jakobsdóttir s’attend à une critique « sévère ».
« Je pense que je peux y faire face, j’ai de l’expérience en tant que politicienne, donc ça va aller », sourit-elle.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici