En grande pompe et dans l’émotion, le monde dit adieu à Elizabeth II
Réunie dans le deuil derrière le cercueil d’Elizabeth II, la famille royale britannique s’est jointe lundi à des centaines de dignitaires étrangers à l’abbaye de Westminster à Londres pour des adieux en grande pompe à la souveraine, à la hauteur de sa popularité planétaire.
Une page d’Histoire se tourne avec ces funérailles religieuses de la monarque qui a traversé ses 70 ans, sept mois et deux jours de règne avec un constant sens du devoir, sans jamais laisser percer une opinion mais remplissant ses fonctions de cheffe d’Etat avec sérieux, bienveillance pour ses sujets et un humour pince-sans-rire parfois irrésistible.
Dès l’aube, voire plusieurs plusieurs jours à l’avance, les Britanniques se sont massés dans les rues de Londres ou de Windsor, résidence à l’ouest de la capitale où elle sera inhumée dans la soirée, pour participer à cette journée historique, point d’orgue de l’émotion qui a déferlé après son décès le 8 septembre dans son château écossais de Balmoral, à l’âge de 96 ans.
A l’image d’un deuil national réglé au millimètre et marqué par la pompe et la solennité dont la monarchie britannique a le secret, la dépouille a quitté à 09H42 GMT Westminster Hall où des centaines de milliers de Britanniques s’étaient recueillis jour et nuit depuis mercredi, après des heures d’attente.
Au son des cornemuses et roulements de tambour, le cercueil, drapé de l’étendard royal et surmonté de la scintillante couronne impériale, a été accompagné en procession jusqu’à l’abbaye de Westminster tiré sur un affût de canon par des marins de la Royal Navy, formant une armée de képis.
Suivait la famille royale, marchant au pas, le regard figé: Charles III, devenu roi à 73 ans après une vie à attendre, ses frères et soeur Anna, Andrew et Edward, l’héritier du trône Willam, nouveau prince de Galles et le prince Harry, en civil, conséquence de son retrait de la monarchie en 2020.
Dans la nef de l’abbaye, ils ont été rejoints par la reine consort Camilla, les épouses de William, Kate, et d’Harry, Meghan. Les deux aînés de William et Kate, George, 9 ans, Charlotte, 7 ans, ont marché derrière le cercueil de leur arrière-grand-mère à sa arrivée dans l’abbaye.
« J’étais là! »
Parmi les 2.000 invités vêtus de noir, le gratin des dirigeants mondiaux s’était déplacé, des président américain Joe Biden et français Emmanuel Macron à l’empereur du Japon Naruhito, pour ces premières funérailles d’Etat depuis celles de Winston Churchill à 1965.
Les têtes couronnées européennes dont le roi Philippe de Belgique, le roi d’Espagne Felipe VI et le prince Albert de Monaco ont aussi pris place sous les arches gothiques de l’abbaye si liée au destin d’Elizabeth II. C’est là qu’encore princesse elle avait épousé à 21 ans en novembre 1947 le fringant Philip Mountbatten, avant d’y être couronnée le 2 juin 1953.
Jamais depuis des années Londres n’avait connu une telle affluence de dignitaires, et la police de la capitale n’a jamais connu un tel défi sécuritaire.
La journée est fériée et ils sont des centaines de milliers à ne pas vouloir perdre une miette de cet événement historique.
Pour des millions de Britanniques, Elizabeth II était la seule, l’unique, ancre rassurante de stabilité dans les convulsions d’un monde qui change.
« Cela fait partie de l’Histoire, jamais dans ma vie il n’y aura une autre reine », confie à l’AFP Bethany Beardmore, 26 ans, après une nuit sans sommeil.
« Je parlerai de ce moment à mes enfants: Je dirai: j’étais là! », lance Jack, 14 ans, venu au petit matin avec ses parents à Hyde Park Corner, non loin de Buckingham Palace.
Pour Thay, homme de 59 ans, la reine apportait de la « stabilité » dans une vie « chaotique ». Il espère que Charles fera de même « parce que nous avons besoin de quelque chose à quoi nous accrocher ».
Procession historique
Après une heure de cérémonie et deux minutes de silence, la dépouille de la monarque repartira pour un dernier voyage.
Le cercueil sera à nouveau placé sur un affût de canon de la Royal Navy avant une procession historique dans les rues du centre de Londres, jusqu’à l’arc de Wellington, d’où il repartira en corbillard pour le château de Windsor, à 35 kilomètres à l’ouest de la capitale
Plus de 6.000 militaires y participeront.
De plus en plus frêle ces derniers mois, souffrant de problèmes de mobilité, Elizabeth II recevait encore, souriante, deux jours avant son décès, la toute nouvelle Première ministre Liz Truss, sa dernière photo publique. C’était la dirigeante en exercice la plus âgée du monde. Durant sa vie, elle a traversé la Seconde Guerre mondiale, vu la dissolution de l’Empire britannique, l’entrée puis la sortie de l’Union européenne.
Elle était au moment de sa mort, en plus du Royaume-Uni, reine de 14 royaumes, dont l’Australie, le Canada et la Nouvelle Zélande. Certains de ces pays n’ont pas caché leur souhait de voir évoluer leur lien avec la monarchie.
Elle sera inhumée lundi soir dans l’intimité, dans le Mémorial George VI de la chapelle du château où elle avait vécu ses dernières années. Elle reposera près de ses parents et du prince Philip décédé en avril 2021. Ils étaient restés mariés 73 ans.
Après 12 jours épuisants de voyages dans les quatre nations constitutives du Royaume Uni, de bains de foule conjugués au deuil d’une mère, Charles III, 73 ans, devra écrire sa propre histoire.
Certains rêvaient d’une transition rapide avec le nouveau prince de Galles, son fils William, 40 ans. Mais Charles III a promis, comme sa mère, de servir toute sa vie.
Solennel, rassembleur, accessible et inclusif, ses premiers pas ont rassuré, avec la présence apaisante de Camilla à ses côtés.
Sa cote de popularité a grimpé en flèche, désormais à 70% selon un nouveau sondage YouGov qui place William à 80%.
Mais les défis, nombreux, ne font que commencer. Dès mardi, le Royaume-Uni reprend le fil de sa vie suspendue depuis le 8 septembre. La crise du coût de la vie et les mouvements sociaux devraient rapidement refaire la Une des journaux.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici