Ella Fitzgerald : la voix du jazz pour l’éternité

Ella Fitzgerald lors d'un concert à Berlin en 1960 © Arte/Ullstein Bild/Getty

Retour sur l’histoire d’Ella Fitzgerald (1917-1996), la plus grande voix du jazz qui l’a menée de la rue au firmament des stars.

Novembre 1934. Ce jour-là, l’Apollo Theater de Harlem organise un concours d’artistes amateurs. Quand la jeune fille monte sur scène, le public la hue d’emblée. Elle porte une robe sale et des godasses de garçon. Elle a prévu de danser. Mais les précédentes danseuses ayant excellé, elle se dit qu’elle n’a aucune chance.

Alors, elle fait une chose à laquelle elle n’avait jamais pensé : elle se met à chanter. Et soudain, la salle se tait. Cette gamine des rues a une voix incroyable. Elle s’appelle Ella, Ella Fitzgerald…

Mercredi dès 22h45, Arte consacre sa fin de soirée à la grande dame du jazz, avec un concert au festival de Montreux 1975, précédé d’un doc riche en témoignages.

Une vie de SDF

Ella Fitzgerald naît au printemps 1917, en Virginie. Elle a 3 ans lorsque sa mère décide de fuir la misère et le racisme de cet État du sud pour s’installer à New York. Ella grandit non loin du quartier noir de Harlem. Partout autour d’elle, les rues résonnent des airs de Louis Armstrong et Duke Ellington.

Ella rêve d’être danseuse de music-hall, mais elle vit loin des paillettes. À 13 ans, l’ado perd sa mère. Recueillie par une tante, elle sèche l’école et fugue. Arrêtée en rue, elle est envoyée en maison de correction. Un véritable lieu de détention. Au bout de quelques mois, la jeune fille réussit à s’enfuir. Elle mène alors une vie de SDF dans les rues de Harlem.

Jusqu’à ce soir de novembre 1934 où elle apparaît sur la scène de l’Apollo. Elle y est arrivée toute tremblante, elle en repartira triomphante.

«Mister Paganini»

Après sa victoire à l’Apollo, la vie d’Ella Fitzgerald est bouleversée du jour au lendemain. Embauchée dans le célèbre orchestre de Chick Webb, elle part en tournée à travers les États-Unis. Le public l’adopte rapidement. Dès 1936, Ella signe un premier tube : «Mister Paganini». Trois ans plus tard, au décès de Chick Webb, elle prend la tête de l’orchestre.

Mais la guerre arrive. Le temps n’est plus au swing. Et Ella Fitzgerald n’a pas le physique des pin-up de l’époque. Qu’à cela ne tienne. Elle a une oreille musicale rare et une tessiture de trois octaves tout aussi exceptionnelle. Elle se reconvertit au be-bop et au scat. Dès la guerre terminée, sa vie ne sera plus qu’une longue tournée sans fin. D’autant que son nouveau producteur a décidé d’en faire une star internationale.

Non grata aux USA

Ella Fitzgerald sort alors des clubs de jazz pour remplir les grandes salles. Ainsi, en 1957, elle se produit au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Mais tandis qu’elle est acclamée sur les scènes du monde entier, elle ne peut pas chanter dans bien des salles de son propre pays.

Aussi célèbre fut-elle, Ella Fitzgerald est victime de ségrégation raciale. «La musique n’a pas de couleur !», dit-elle un jour à un journaliste, avant de s’excuser : «Je me suis lâchée. J’ai dit ce que j’avais sur le cœur. Je ne suis qu’un être humain». L’interview ne sera jamais diffusée…  

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 24/12/2020

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