Elizabeth II et Victoria : deux règnes aux multiples échos
Piété, longévité, et, pour les Britanniques, un sens de stabilité face aux bouleversements de l’Histoire : le règne d’Elizabeth II partage de nombreux points communs avec celui de son illustre arrière-arrière-grand-mère Victoria.
A leur naissance, ni Victoria ni Elizabeth n’étaient destinées à hériter de la couronne, vu leur place dans l’ordre de succession. Pourtant, elles ont embrassé le rôle qui lui a échoué et après des règnes exceptionnellement longs, ont fini par être considérées comme l’incarnation même de la grandeur britannique.
Toutes deux étaient « des femmes exceptionnellement consciencieuses, fortes d’esprit, déterminées à faire du mieux qu’elles pouvaient », explique à l’AFP l’écrivain Andrew Gimson.
Le style qui caractérisait le règne d’Elizabeth II, axé sur un sens du devoir sans jamais expliquer si se plaindre (« Never explain, never complain »), s’inspire directement de celui de son ancêtre, qui a régné avec sérieux sur le Royaume-Uni pendant la durée alors inégalée de 63 ans et 216 jours.
Tant et si bien que lorsqu’Elizabeth II a finalement dépassé ce record de longévité sur le trône, c’est encore l’attitude du « devoir d’abord » qui a primé: la souveraine y a à peine fait allusion, lors d’une inauguration en ce 9 septembre 2015 d’une ligne de chemin de fer.
C’est un jalon qu’elle n’avait « jamais aspiré » à atteindre, avait-elle alors simplement déclaré, portant comme en clin d’oeil une broche en diamants ayant appartenu à la reine Victoria.
‘Sérieux moral’
Enfant unique du prince Édouard, le quatrième fils du roi George III, Victoria ne figurait à sa naissance en 1819 qu’en cinquième position dans la ligne de succession.
Mais les frères aînés de son père – y compris les deux ayant accédé au trône – sont tous morts sans héritiers légitimes, laissant Victoria hériter de la couronne en 1837, à tout juste 18 ans.
La jeune monarque, encadrée par son Premier ministre Lord Melbourne, entreprend alors de changer le fonctionnement de la monarchie, lui insufflant une certaine vision moraliste.
La morale très stricte de la souveraine reflétait tellement l’atmosphère de l’époque que les historiens ont fini par lui prêter son nom. L’ère victorienne – décrite aussi comme une époque de grandes avancées industrielles, scientifiques, culturelles ainsi que de conquêtes coloniales- est encore considérée comme l’apogée du Royaume-Uni.
« Le trône auquel Elizabeth a accédé est resté l’institution impériale qu’il était devenu dans les dernières décennies du règne de Victoria », estime dans The Guardian David Cannadine. Mais son règne a été marqué par « la dé-victorianisation de la Grande-Bretagne et la réduction de son empire ».
‘Piété rigoureuse’
Sous Elizabeth II, l’Empire britannique en cendres qui se relevait à peine de la Seconde Guerre mondiale a perdu l’essentiel de ses colonies.
Un véritable défi face auquel la jeune souveraine, montée sur le trône en 1952 à 25 ans, a choisi de s’appuyer sur Winston Churchill, premier des 15 Premiers ministres qui l’auront vu régner. Car tout comme Victoria, Elizabeth n’était pas destinée à être reine, lorsqu’elle naquit en 1926.
La couronne était censée revenir à son oncle, Edouard VIII. Celui-ci monte sur le trône en 1936, mais abdique à la surprise générale la même année, afin d’épouser Wallis Simpson, une femme deux fois divorcée. C’est alors son frère, le père d’Elizabeth, George VI, qui devient roi, et la jeune princesse devient à 10 ans héritière de la couronne.
Tout comme son ancêtre, la nouvelle souveraine s’est beaucoup appuyée sur la morale chrétienne. Elizabeth et Victoria partageaient « une foi chrétienne libérale et terre-à-terre, exprimée avec une piété rigoureuse mais sans prétention », estime dans le magazine Spectator Richard Chartres, ancien évêque de Londres.
Après la mort de son époux le prince Philip en 2021, Elizabeth II a elle réduit ses apparitions, comme Victoria après la mort de son mari le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha en 1861.
Tout comme son ancêtre, dont le nom a été donné à des villes, territoires, montagnes, lacs et bâtiments du monde entier, le nom d’Elizabeth s’est inscrit dans le paysage mondiale, des vastes zones de l’Antarctique à des îles canadiennes, en passant par le plus grand navire de guerre britannique.
Ultime clin d’oeil: le cercueil d’Elizabeth sera porté lundi, lors de ses funérailles nationales, sur l’affût de canon utilisé pour Victoria.
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