Depeche Mode, deuil et paix des braves
Depeche Mode sort « Memento Mori » (« Souviens toi que tu vas mourir » en latin), titre prémonitoire choisi avant le décès d’Andy Fletcher, courroie de transmission entre Dave Gahan et Martin Gore, leaders désormais forcés de se rapprocher.
Ce 15e album studio du groupe étendard de la pop synthétique britannique paraît ce vendredi. Et s’inscrit dans la lignée des disques marqués par le destin. Comme « Closer » (1980), second et dernier album de Joy Division, avec une photo de statues funéraires sur la pochette, choix arrêté avant le suicide du chanteur et leader Ian Curtis.
Le décès de Fletcher « a d’une certaine façon cimenté le titre de l’album », confiait Martin Gore à l’AFP en octobre dernier. « Nous pensions qu’il s’agissait d’un bon titre de toute façon; après sa mort, il semblait vraiment juste ».
Ce n’est pas un secret, « Fletch » comme on l’appelait, décédé à 60 ans en mai 2022 d’une maladie vasculaire rare, n’était pas la pièce musicale majeure de l’architecture sonore de Depeche Mode. Mais ce membre fondateur faisait le lien entre les deux leaders, Dave Gahan et Martin Gore, qui n’étaient pas connus pour être les plus grands amis dans la vie.
« Fletch » était « celui qui venait me voir en me disant: +Tu sais, Martin ne veut pas faire ceci ou cela+. Tout à coup, il n’est plus là et maintenant, Martin et moi, devons nous parler », a dévoilé Gahan dans le journal français Le Figaro.
« Vieux frère »
« Pendant la confection du disque, Martin m’a dit +c’est étrange, j’ai l’impression de retrouver un vieux frère que j’aurais perdu de vue depuis longtemps+. Il nous a fallu communiquer à nouveau et je pense que ça a marqué ce disque », poursuit l’interprète des textes et musiques de Gore. Qui compose aussi parfois quelques titres, comme sur « Memento Mori », un des albums les plus réussis de la formation.
Certains titres des morceaux de cet album prennent un drôle d’écho par à rapport à la dynamique du groupe. Comme « My favourite stranger » (« Mon étranger préféré »), pépite électro signée Gore et Richard Butler (leader du groupe Psychedelic Furs). Qui pourrait ainsi renvoyer à Gahan et Gore (tous deux sexagénaires), longtemps distants. Même si dans la chanson, le narrateur parle de cet autre qu’il voit tous les jours dans le miroir.
Et l’album s’achève par « Speak to me » (« Parle moi »), signé Gahan et d’autres collaborateurs, un des deux titres du disque (12 morceaux au total) où Gore n’apparaît pas dans les crédits.
« Ghosts again » (« Fantômes, encore ») fait évidemment penser à l’âme de « Fletch », disparu avant la finalisation du disque en studio, planant sur cet album et la tournée mondiale pour le défendre qui va s’ouvrir cette semaine aux Etats-Unis.
« Lorsque nous étions en studio (…) +Fletch+ nous manquait », mais il participera ainsi à la tournée « en esprit, pour nous juger », racontait Gahan devant la presse en octobre à Berlin.
Gore connaissait « Fletch » depuis l’adolescence. « Andy adorait les bars d’hôtels. Alors que nous allons voyager autour du monde, je m’attends à le voir assis aux bars des hôtels avec une pinte devant lui. Je ne peux pas m’en empêcher », livrait Gore à l’AFP à Berlin.
« Memento Mori » est baigné de textures sombres, même si l’album a été enregistré dans des studios en Californie. Mais ce diamant noir aux reflets pop et électro n’est pas déprimant.
Le titre de l’album « a l’air très morbide mais on peut aussi le voir de façon très positive, dans le sens +vivez chaque jour au maximum+ », soulignait d’ailleurs Gore à Berlin.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici