Décès de Michel Blanc : il était Jean-Claude Dusse, et bien plus…
Acteur populaire depuis le succès des « Bronzés » avec ses amis du Splendid, le tourmenté Michel Blanc, décédé à 72 ans, a alterné le rire et l’émotion en explorant avec finesse, devant et derrière la caméra, l’âme humaine.
« On sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher… » Pour beaucoup, il restera à jamais Jean-Claude Dusse, le gringalet chauve et moustachu des « Bronzés », dragueur raté toujours persuadé de pouvoir « conclure ».
Si ce personnage aussi exaspérant qu’attendrissant l’a un temps enfermé dans le comique avec des rôles d’hypocondriaque ou de maladroit, le comédien avait pourtant fait ses preuves dès le milieu des années 70 en tournant pour Tavernier (« Que la fête commence »), Miller (« La Meilleure façon de marcher ») ou Polanski (« Le Locataire »).
« Tenue de soirée », le tournant
Surtout, après l’énorme succès public de « Marche à l’ombre » (1984), son premier film en tant que réalisateur, le comédien sait rebondir et élargir son registre en s’éclipsant le premier de la bande du Splendid.
« Les gens dans la rue m’appelaient +mon pote+ ou me criaient +t’as une ouverture+ », rappelait-il. « Bref, ils s’adressaient à Jean-Claude Dusse… Ca m’amenait vers une carrière qui ne m’intéressait pas. Je ne stimulais plus l’imaginaire des auteurs ».
Il fait exploser le « plafond de verre » grâce au trangressif « Tenue de soirée » (1986) de Bertrand Blier.
Il y incarne l’émouvant Antoine, qui s’entiche de Gérard Depardieu et se travestit. Le rôle, couronné du prix d’interprétation masculine à Cannes, marque un tournant dans sa carrière.
Né le 16 avril 1952 à Courbevoie (Hauts-de-Seine), Michel Blanc est fils unique. Milieu plutôt modeste avec un père déménageur qui finira cadre moyen et une mère dactylo devenue comptable. Des parents très aimants qui surprotègent leur fils, né avec un souffle au coeur.
Timide, chétif, grand hypocondriaque –« je suis le pionnier du gel hydroalcoolique ! »–, le jeune Michel perd vite ses cheveux et va devoir miser sur l’humour, parfois caustique, et l’autodérision plus que sur son physique.
« Je ne m’aimais pas »
« J’ai un avantage sur les chauves tardifs, je n’ai jamais associé la calvitie à l’âge », plaisantait celui qui a longtemps été mal dans sa peau.
Dès l’enfance, il se passionne pour la musique classique. A 20 ans, il tente même de faire carrière comme pianiste. Il y consacre six à sept heures par jour mais renonce assez vite, comprenant qu’il ne sera jamais « le nouvel Arthur Rubinstein ».
Changement de cap. Il rejoint sa bande de copains du lycée de Neuilly –Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte et Christian Clavier– pour se lancer dans l’aventure du café-théâtre au sein de la troupe du Splendid.
« Comme je ne m’aimais pas, j’avais envie de jouer des personnages qui n’étaient pas moi ».
« C’est un homme solitaire, blessé, déconcerté », disait son amie, l’écrivaine Françoise Sagan. « Je suis un anxieux qui préfère l’action à la dépression », précisait l’intéressé.
Tout au long de sa carrière, ce gros bosseur, perfectionniste, sait d’ailleurs utiliser ses complexes et son talent d’écriture pour explorer le désenchantement et façonner les personnages de ses films, notamment ceux qu’il réalise comme « Grosse Fatigue » (1994) et « Embrassez qui vous voudrez » (2002).
Il se montre convaincant dans le registre dramatique, en campant l’inquiétant « Monsieur Hire » (1989), d’après Simenon, ou un médecin homosexuel au début du sida dans « Les Témoins » (2007) d’André Téchiné. Ou encore à la télévision dans « L’Affaire Dominici » (2003).
Discret sur sa vie privée
Après le rendez-vous raté du troisième opus des « Bronzés » en 2006, Michel Blanc, nommé quatre fois au César du meilleur acteur, remporte en 2012 la précieuse statuette pour son second rôle inattendu de directeur de cabinet dans le thriller politique « L’Exercice de l’Etat ».
L’acteur, qui mène aussi une belle carrière au théâtre, est toujours resté très discret sur sa vie privée: « Notre travail, c’est notre personne même. Si on expose son intimité, on devient un people, on n’est plus un comédien », confiait-il à Télérama en 2007.
« Savoir que votre garagiste est homo ou hétéro ne change rien sur votre appréciation de son travail », ajoutait-il. « Pour les acteurs au contraire, cette connaissance est un facteur de brouillage ».
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