Le gagnant de l’Eurovision 2014 était invité ce mercredi 8 octobre à chanter devant le Parlement européen de Bruxelles. L’UE avance à petits pas dans les dossiers sur les libertés des homosexuels.
Il y avait pas mal de médias internationaux (autres que dédiés aux affaires de l’UE), ce mercredi, au Parlement européen pour accueillir Conchita Wurst, le travesti autrichien, vainqueur du Concours Eurovision 2014.
Le pari est réussi pour Ulrike Lunacek, eurodéputé autrichienne des Verts et Vice-Présidente du Parlement, qui est à l’origine de l’invitation (avec d’autres groupes de gauche), et qui voulait donner un coup de projecteur sur les travaux du Parlement européen sur le respect des différences et la tolérance.
Pas parmi les favoris à Copenhague
«Ce n’est pas évident pour un chanteur de faire ce genre de discours devant un Parlement», lance d’emblée Conchita Wurst. «J’ai gagné grâce à une chanson, mais à titre personnel, c’est plus que ça !».
Le titre «Rise Like a Phenix» interprété à Copenhague ne faisait pas spécialement partie des favoris du Concours, en mai dernier. Mais le personnage incarné par Tom Neuwirth, a rapidement fait sensation, et a pris un peu le dessus sur le coté artistique de la compétition.
Depuis, le chanteur parcourt le continent pour faire passer son message : le respect pour tous et l’importance de vivre le respect. «Je ne comprends pas où est le problème du mariage de personnes du même sexe», explique Conchita. «Je me fous de la couleur de la peau d’un individu ou de sa différence, ce qui m’intéresse, c’est la personne.»
« Un message de l’Europe pour le monde entier »
Une visite bruxelloise qui n’a pas fait que des heureux au sein même de l’hémicycle. Certains députés trouvant que l’argent dépensé pour le spectacle aurait pu servir à d’autres causes.
Ulrike Lunacek botte en touche. «L’événement a coûté 17.000€, financés en partie par la député et le groupe des Verts. Le chanteur ne reçoit pas de cachet, et l’équipe est venue en classe économique. «Nous avons besoin de personnes qui font preuve de courage comme Conchita Wurst», enchérit la politicienne qui a déclaré ouvertement son homosexualité, il y a 20 ans.
«Pour ma cause, je prends ce dont j’ai besoin pour obtenir ce que je veux», précise Tom Neuwirth. «Ceux qui sont de mon coté sont mes amis, mais dans le monde politique, je remarque qu’il y a des personnes qui ne veulent pas que des gens vivent heureux.»
L’Autrichien avoue avoir mis du temps pour savoir qui il était vraiment, et a souffert des discriminations. «Aujourd’hui, je sais qui je suis et personne ne peut plus me blesser». Pays très conservateur, l’Autriche n’est pas très loin dans les réformes en vue de donner les mêmes droits à tous les individus. «Depuis ma victoire, de tous petits pas ont été franchis», confesse Conchita Wurst. «Je ne suis pas naïf, je suis optimiste. Il y a des changements, mais il y a pas mal de chemin encore à parcourir. Ma victoire est un message de l’Europe pour le monde entier !»
Pas de risques avec les extrémistes
Conchita Wurst, concept ou réalité ? «Conchita est une partie de ma vie. Ce n’est pas un concept que j’aurais développé pour le show. Je me travestis depuis l’âge de 14 ans, et en femme à barbe, je me sens très bien.»
Et si le concept de Conchita devait flétrir dans quelques mois, les paillettes de l’Eurovision passés, le chanteur ne se voit pas faire de la politique. «Les artistes peuvent aller plus loin que les politiciens, dans leurs messages», confie-t-il.
Au niveau politique, justement, l’Europe avance à plusieurs vitesses. Le Bénélux est déjà très loin dans les réformes, alors que d’autres pays sont assez fermés sur le sujet. «L’Europe ne peut pas contraindre directement un Etat» explique Lunacek. «Le Parlement peut voter des lois contre la discrimination (ce qui a été fait dans une Directive antidiscrimination plus générale, NDLR), mais le Conseil bloque son exécution».
La nouvelle Commissaire en charge du dossier a déjà annoncé qu’elle veut avancer sur ce dossier. La montée des extrémistes au sein du Parlement pourrait aussi être un problème. «Les textes sont votés à la majorité, et ces partis sont assez minoritaire, il ne devrait pas y avoir de marche arrière dans ce domaine», rassure Ulrike Lunacek.
Un doc sur Arte
«Le droit d’aimer la personne de son choix est humain, on veut vivre de l’amour et de la liberté sans avoir peur», c’est la conclusion de Conchita Wurst. La journée s’est poursuivie par un récital sur l’esplanade du Parlement, devant un parterre de plusieurs centaines de fans, qui ont bravé la pluie pour écouter le chanteur.
En novembre, le travesti se produira sur la scène du Crazy Horse à Paris. À cette occasion, Arte lui dédiera un documentaire, où on le verra avec son ami Jean-Paul Gaultier, le dimanche 2 novembre à 0h35.
Pierre Bertinchamps
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