Cliff Richard : «70 ans aujourd’hui, c’est comme 30 ans avant !» (interview)
À 73 ans, il sort un nouvel album («The Fabulous rock’n roll songbook») et déborde d’énergie. Nous avons rencontré Sir Cliff Richard, chanteur britannique à la popularité intacte et musicien légendaire, à la veille de sa tournée européenne.
Cliff Richard est coutumier des allers-retours entre ses maisons au Portugal et à la Barbade. Mais, ce printemps, l’éternel jeune homme repart en tournée à travers l’Europe et fera halte à Bruxelles. Nous l’avons rencontré dans un bel hôtel d’Amsterdam.
Vous sortez votre 100e album ! Quelle impression cela fait-il ?
C’est fantastique ! Pendant l’enregistrement en studio, je n’y pensais pas. Je ne me suis rendu compte de ce chiffre qu’au moment de partir en promotion. Avec mes collaborateurs, on se disait : «Tiens, ce ne serait pas le 100e album ?» Je devrais être bien placé pour le savoir. Mais je ne pouvais pas m’en prévaloir si tel n’était pas le cas. Après vérification, il s’est avéré que c’était effectivement le centième !
Votre nouveau disque rend hommage aux stars du rock-‘n-roll de votre jeunesse. Etes-vous nostalgique ?
Non. J’ai toujours aimé cette musique. L’évolution musicale au cours des années 50 a été l’une des plus importantes. Un de mes amis me disait récemment : «Cliff, tu es un chanteur de rock and roll. Tu as sorti un album de soul et de jazz. Pourquoi pas un album de vrai rock ?» Je me suis dit : «Mais oui, pourquoi pas ?» J’ai vécu la montée, puis l’âge d’or de cette musique. Ni une, ni deux, je suis entré en studio. Je travaille en fait sur le 2e volume !
Elton John, Bob Dylan, Paul McCartney… on est frappé par la longévité de ces artistes. Êtes-vous «drogués» à la musique ou aux applaudissements ?
Un peu aux deux (rires). Mais la musique doit garder la première place. Quand Elvis Presley, Little Richard et Bill Haley ont commencé à avoir du succès, ma génération en était dingue. Nous étions jeunes et nos vedettes l’étaient aussi. J’avais 17 ans quand j’ai enregistré mon premier disque. Ma génération est celle du rock and roll. Au nom de quoi y renoncerions-nous ? Ce genre musical appartient à tous les amateurs de musique.
Vous pensez parfois à prendre votre retraite ?
Il m’arrive d’avoir envie d’arrêter. Après ma tournée, ce printemps, j’arrêterai. Mais il se trouvera toujours quelqu’un pour me demander : «Vous n’avez pas envie de reprendre la route ? Et d’aller en Australie ?» À quoi, je répondrai : «Mais oui, je dois faire l’Australie !» Voilà pourquoi je continue…
Vous pensez au temps qui passe ?
Pas vraiment. Je n’ai pas l’impression d’avoir 73 ans. Ma vie est passionnante, c’est sans doute grâce à cela que j’ai conservé mon énergie. Même lorsque je suis à la Barbade, je ne me repose pas vraiment. Je fais de la gym ou du tennis et je jardine… Je n’ai jamais connu de baisse d’énergie. Il m’est donc difficile de penser à la vieillesse. Si je devais tomber malade, je parlerais sans doute autrement. Je pense sincèrement qu’avoir 70 ans aujourd’hui, c’est comme avoir 30 ans avant ! (il rit)
Vous sentez-vous encore anglais ?
Je suis définitivement anglais. J’aime Londres, mais il est vrai je passe l’hiver à la Barbade. Et en été, je suis au Portugal. Je séjourne aussi assez souvent aux États-Unis.
Vous vendez des millions de disques. Vous avez été anobli par la reine. Est-ce dur de ne pas prendre la grosse tête ?
Il faut savoir rester humble. Plus je vois les autres chanter et danser, plus je me dis : mais comment font-ils ? Les jeunes artistes sortent d’écoles formidables, où ils ont appris à chanter, à jouer la comédie, à danser, à maîtriser un instrument… Moi, je n’ai jamais appris tout cela ! J’ai commencé en plaquant trois accord sur ma guitare et j’ai tout appris par moi-même. Alors, vous comprenez que je n’ai aucun mal à rester modeste. J’ai travaillé dur, je pense m’en être pas mal sorti. Mais je sais où est ma place…
Ça vous aide d’être croyant ?
Je reste fidèle à une certaine spiritualité et je crois que cela m’a permis d’arriver où je suis. Si je n’ai pas toujours été chrétien, je n’ai jamais été athée. Sincèrement, il faut une sacrée force pour ne croire en rien. Quand je regarde un arbre, je me dis que sa présence ne peut pas être un hasard. Sinon cela voudrait dire que le monde entier serait un simple accident…
La foi joue-t-elle un rôle dans votre vie quotidienne ?
Même quand on se sent très libre, la liberté ne peut fonctionner que contrebalancée par un fort sentiment de responsabilité. On n’est jamais totalement libre de faire ce qu’on veut. La liberté est nécessaire mais elle ne peut aller sans la responsabilité. Et je crois que la spiritualité rend responsable.
Cela ne fait-il pas de vous quelqu’un d’un peu à part dans le monde de la musique ?
Non, les artistes ont souvent une grande spiritualité, même si nous sommes très différents.
Vous évoquez volontiers votre foi. Et votre vie privée ?
Tout dépend de ce que vous entendez par vie privée. J’ai eu davantage de conversations avec des journalistes et des animateurs TV qu’avec n’importe quel artiste vivant. J’aime parler, échanger. Cela me donne une énergie folle. Et je trouve que je me dévoile déjà pas mal. Je parle de tout, y compris de mon ressenti. J’ai parlé de la mort de ma mère, de ma relation avec mon père et mes sœurs. Ce sont des choses très personnelles et j’accepte d’en parler. En revanche, il y a des domaines de ma vie que je ne souhaite pas partager. Les journalistes posent parfois de ces questions… (soupir). J’ai répondu à l’un d’eux, récemment : «Vous me posez des questions que même mon meilleur ami ne me poserait pas ! Je ne répondrai donc pas à votre question…»
Vous n’évoquez jamais vos amours…
Non, c’est trop intime ! Jamais je n’ai parlé avec mes parents de leur vie amoureuse ou de la mienne. Pourquoi le ferais-je avec des journalistes ? J’ai été élevé ainsi. Il est naturel qu’on veuille connaître l’homme, Cliff Richard, derrière l’artiste. Eh bien, après notre conversation vous en aurez une idée assez précise. Vous m’avez entendu parler sincèrement. Ce que vous ne savez pas encore n’a aucun intérêt…
En revanche, j’aimerais savoir si vous comptez revenir en Belgique.
Je suis impatient de revenir en Belgique ! Vous savez que des tas de Britanniques prennent l’autocar et viennent me voir chez vous. Ils forment parfois un tiers du public.
Entretien réalisé par nos collègues et amis de Plus Magazine
Cliff Richard. Still Reelin’ and Rockin’ Tour. Le 31/5 au Palais 12 du Heysel, 1 Place de Belgique, 1020 Bxl. A 20 h. Prix : 58,50 euros – 88,50 euros. Infos et tickets :
Bio express
14 octobre 1940 : naissance de Harry Rodger Webb aux Indes britanniques.
1958 : adopte le nom de Cliff Richard et monte son groupe, The
Shadows. Sortie du 1er single, Move It.
1968 : termine second au concours Eurovision avec Congratulations.
1969 : les Shadows se séparent. Cliff poursuit une carrière solo.
1973 : termine troisième à l’Eurovision, avec Power to all our friends.
1995 : est fait chevalier sur la Queen’s Birthday Honours List.
2002 : chante au concert du jubilée de la Reine Elisabeth II.
2008 : célèbre ses 50 ans de carrière musicale à la UK Arena.
2010 : fête son 70e anniversaire au Royal Albert Hall.
2013 : sortie de son 100e album, «The Fabulous rock’n roll songbook».
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