
Cinéma : Hollywood à la botte des Chinois
Les films sur le Dalaï-Lama et les méchants Chinois, c’est fini ! Pour faire des affaires, la cité du cinéma US se plie aux exigences de Pékin.
Où est passé Richard Gere ? D’« American Gigolo » à « Pretty Woman », il a été une des grandes stars d’Hollywood. Élu « homme le plus sexy du monde » à 50 ans, l’acteur n’a rien perdu de son charme deux décennies plus tard. On le voit encore très régulièrement sur les plateaux télé d’outre-Atlantique. Par contre, voilà une trentaine d’années qu’il n’a plus été à l’affiche d’une grosse production hollywoodienne. Pourquoi ? Parce que les Chinois ont mis le holà. Converti au bouddhisme tibétain, proche du Dalaï-Lama et engagé pour les droits de l’homme, Richard Gere est un ennemi aux yeux de Pékin. Le cinéma préfère donc se passer de lui pour ne pas déplaire à la Chine… Vous l’ignioriez ? « Hollywood sous influence chinoise », le documentaire proposé mercredi à 23h par Arte, risque de vous effrayer…
D’énormes enjeux
« 700 millions de Chinois… », chantait Dutronc en 1966. Depuis, la population de l’Empire du Milieu a doublé. Elle constitue désormais un marché aux enjeux énormes. Y compris pour l’industrie cinématographique. Durant la période maoïste, les films américains n’avaient aucun accès au public chinois. Dès les années 1980, quelques productions hollywoodiennes commencent à être distribuées en Chine. Mais 1997 marque un coup d’arrêt. Cette année-là sortent trois films qui déplaisent à Pékin. « Kundun », de Martin Scorsese, et « Sept ans au Tibet », de Jean-Jacques Annaud, évoquent l’un et l’autre la jeunesse du Dalaï-Lama. Le troisième film, « Red Corner » (avec Richard Gere en vedette !), raconte la descente aux enfers d’un citoyen américain confronté à la justice chinoise.
Tibet, Taïwan, Tian’anmen
Aucun de ces films n’est autorisé en Chine, mais Pékin estime qu’ils salissent l’image du pays à l’international. Les autorités chinoises préviennent les studios hollywoodiens qu’il y aura des mesures de rétorsion. Sony, qui a produit le film d’Annaud, ne veut pas que son activité technologique (notamment sa Playstation) en pâtisse. Disney, qui a produit Scorsese, craint pour son projet Disneyland Shanghai… À partir de là, Hollywood va faire profil bas. Cela commence dès l’écriture du scénario, avec la règle des 3 T : Tibet, Taïwan et Tian’anmen. Ces sujets ultrasensibles passent à la trappe. D’autres sujets également. Certains peuvent paraître anodins, comme les fantômes. D’autres le sont moins, comme tout ce qui a trait à l’homosexualité. Dans « Les Animaux fantastiques », d’après J.K. Rowling, les deux répliques où Dumbledore évoque son homosexualité sont coupées pour la diffusion en Chine. Ce type de censure est prévu dès l’écriture du scénario, de sorte que la coupure n’affecte pas la compréhension de l’intrigue.
Un bureau de lobbying
Pékin a désormais un bureau de lobbying à Hollywood pour maîtriser l’image donnée de la Chine. Cela rappelle l’émissaire envoyé à Los Angeles par Hitler dans les années 1930, pour que le cinéma donne la meilleure image de son pays et du régime nazi… PEN America,l’association qui lutte pour défendre la liberté d’expression aux États-Unis, a étudié la manière dont la censure chinoise influence les productions hollywoodiennes. Son auteur souligne : « La moitié du problème, c’est la censure chinoise. L’autre moitié, c’est le capitalisme américain… »
Cet article est paru dans le Télépro du 6/3/2025
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