Charles III : prince activiste désormais roi du silence ?
Certains l’avaient surnommé le prince activiste. Après avoir endossé les lourds habits de roi, Charles III, si différent de sa mère Elizabeth II, doit désormais incarner une monarchie impartiale et sereine, dont chaque mot et geste sera commenté.
Chef d’État au pouvoir largement symbolique, homme de passions parfois controversées, il n’est plus censé avoir la moindre opinion en public, qui risquerait d’apparaître comme de l’ingérence politique.
Ses premières déclarations auront rassuré les plus pessimistes. Depuis le décès d’Elizabeth II le 8 septembre, Charles III, « conscient du poids de l’histoire », a déclaré qu’il marcherait dans ses traces et servirait toute sa vie.
Il a reconnu qu’il ne pourrait plus « consacrer autant de temps et d’énergie aux organisations caritatives et causes » qui lui sont chères, au premier rang desquelles l’écologie.
Rassembleur, il s’est rendu en Ecosse, en Irlande du Nord avant le Pays de Galles vendredi, les trois nations constitutives du Royaume-Uni avec l’Angleterre.
Accessible, il s’est offert un bain de foule devant le palais de Buckingham, un autre à Belfast. Une femme lui a planté un baiser sur la joue, une liberté inimaginable sous Elizabeth II.
Dans l’immense vague d’émotion collective depuis le décès de la reine de 96 ans, sa popularité a bondi, lui longtemps le mal aimé de la famille royale : 63% des Britanniques pensent qu’il fera un bon roi (sondage YouGov). 15% estiment le contraire. En mai, ils étaient à 32% contre 32%, avec 35% d’indécis.
Famille désunie
À 73 ans, Charles III est le plus vieux monarque à accéder au trône britannique. Il attendait depuis qu’il était devenu prince héritier à 3 ans et demi, enfant gauche et solitaire.
Il a eu le temps de se former : il a voyagé dans près de 100 pays, rencontré beaucoup des grands de ce monde, serré des millions de mains. Les inaugurations, les remises de médailles, les dîners d’Etat et les garden parties, il connaît. Les obligations aussi.
« Il comprend parfaitement ce qu’est la monarchie et comment fonctionne notre constitution », déclare à l’AFP Penny Junor, experte de la monarchie.
Il « ne s’autorisera pas la liberté de parole que s’autorisait Charles Prince de Galles. Il est passé à autre chose. Le roi, c’est celui qui est au-dessus des polémiques, au-dessus de toutes les divisions, au-dessus des opinions, c’est celui qui fédère, qui rassemble », ajoute Isabelle Rivière, autre experte royale.
Elizabeth II, qui a régné pendant 70 ans, représentait la continuité dans les énormes changements du siècle.
Charles III devra représenter le changement dans la continuité : au Royaume Uni, mais aussi dans les 14 autres royaumes du Commonwealth dont certains aspirent à devenir républiques.
Et il lui faudra aussi gérer l’image d’une famille désunie, son frère Andrew devenu paria après un scandale sexuel, son fils Harry qui s’apprête à publier un livre confidences.
Même s’il était davantage présent, remplaçant souvent sa mère à la santé déclinante, beaucoup ne connaissaient guère du roi Charles que son divorce surmédiatisé avec la princesse Diana, sa liaison, encore marié, avec Camilla épousée en 2005, et son engagement pour l’écologie, qui dans les années 1970 le faisait passer pour un original.
Depuis des années, il insiste sur l’urgence face au réchauffement climatique, défend l’agriculture biologique, les médecines douces, les circuits courts. Il publie son bilan carbone depuis 2007.
Critique de l’architecture moderne, il a aussi fait bâtir deux petites villes sur ses terres, conjuguant ses idées d’une architecture traditionnelle et de développement durable.
Après avoir créé en 1976 sa première organisation caritative, le Prince’s Trust, qui a aidé plus d’un million de personnes, d’autres ont suivi, pour lesquelles le prince a récolté des millions de livres. Il était président ou bienfaiteur de plus de 420 organisations caritatives.
Roi impatient
Habitué à être servi, volontiers maniaque – la rumeur dit qu’un valet repasserait ses lacets – il n’aime guère être contredit.
« Il est un peu égocentrique, il a grandi en étant le centre de son univers, avec des gens qui lui disaient qu’il était merveilleux », explique Penny Junor.
Il est aussi impatient, trait de caractère évident lors d’une première semaine épuisante.
Lors de la cérémonie de proclamation à Londres, il fait comprendre par un geste sec et une grimace silencieuse qu’il veut qu’on retire immédiatement un porte-stylo resté sur la table où il doit signer un document.
En Irlande du Nord, il s’emporte contre un stylo qui fuit. « Mon Dieu, je déteste ça », dit-il en s’essuyant les doigts. « Je ne peux pas supporter ce fichu truc », dit-il avant de quitter la pièce.
« Il veut que les choses soient faites d’ici hier », avait dit de lui Camilla, désormais reine consort, à la BBC pour ses 70 ans. Il « aimerait sauver le monde ».
Dans les années 2000, il avait écrit à des ministres pour parler de santé, d’éducation, de la guerre en Irak ou de pêche illégale. Ces « mémos de l’araignée noire », en référence à sa calligraphie, avaient été perçus par certains comme de l’ingérence.
Son train de vie parfois critiqué sera désormais alimenté par l’allocation souveraine – 86 millions de livres (99 millions d’euros) – payée par le contribuable, les revenus du duché de Lancastre – 24 millions de livres par an – et la fortune privée de sa mère.
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