Ces Français qui ont conquis Hollywood
Beaucoup d’acteurs français, tel Jean Dujardin, bientôt à l’affiche de «Novembre», ont percé aux États-Unis. Avec plus ou moins de bonheur. Question de talent, de chance ou de choix ?
Les «Frenchies» et le 7e art américain, c’est une vieille histoire. Avec des acteurs devenus stars au pays de l’Oncle Sam et d’autres dont le succès fut soudain et fugace…
Conquête de l’Ouest
Bien avant le triomphe de Juliette Binoche ou Marion Cotillard, dès les années 1930- 1940, des artistes franchissent l’Atlantique : Claudette Colbert (Oscar en 1934 pour «New York-Miami»), le sémillant Charles Boyer, Maurice Chevalier dont la gouaille fait merveille notamment dans «Gigi», Micheline Presle revenue déçue, Leslie Caron (91 ans) connue pour le mythique « Un Américain à Paris » (1951), Louis Jourdan dont les yeux et la voix de velours ont conquis Hollywood où il est resté jusqu’à sa mort (en 2015), Simone Signoret (Oscar en 1960 pour «Les Chemins de la haute ville»), Yves Montand qui a raflé le cœur des Américaines et surtout celui de Marylin Monroe, Gérard «Depardiou» et sa «Greencard», les deux Isabelle (Adjani et Huppert), Catherine Deneuve et Jean Reno.
Déménagement ou exil
Bilingue, Charlotte Gainsbourg , 51 ans, alterne films français et anglo-saxons. Cependant, elle a choisi les États-Unis, de 2013 à 2020, non pour travailler mais pour se faire oublier et oublier la France. Après le suicide de sa demi-sœur aînée, Kate Barry, l’héroïne de «L’Effrontée» étouffait dans l’Hexagone. L’Amérique lui a rendu sa sérénité. «Là-bas, ils sont toujours positifs. Je sais que c’est factice, mais ça m’aide», avait-elle confié avant de revenir au bercail.
Mélanie Laurent, 39 ans, vit aussi très bien son emménagement sous les palmiers de Los Angeles depuis 2019, se partage entre œuvres francophones, internationales et anglophones («Inglourious Basterds», «Beginners»). Mais ce sont les raisons du cœur qui ont guidé son choix. «J’ai rencontré un Américain qui vit à L.A. !», dit-elle à Madame Figaro. «Cette décision, je l’ai prise, car notre vie ensemble est ici. J’ai gardé un pied-à-terre à Paris, où sont ma famille, mes amis.» Et de se souvenir que pour faire sa place dans le film de Quentin Tarantino, ce ne fut pas aussi facile : «J’avais dit que je parlais couramment l’anglais. Mensonge absolu ! Je me suis mis une pression de dingue pour apprendre à une vitesse hallucinante !»
Une bonne leçon
Omar Sy a lui aussi dû s’appliquer pour parler «english». Malgré son triomphe en France, il a accepté de passer des castings à Hollywood, tel un débutant, tout en suivant, quatre heures par jour, des leçons privées d’anglais et en perfectionnant son vocabulaire devant le show télé des Kardashian ! Parti aux USA pour, avant tout, mettre sa famille à l’abri de sa notoriété, Omar a réalisé un rêve d’enfant. Il n’en revient toujours pas d’avoir joué avec Tom Hanks («Inferno», avec Felicity Jones) en 2016 et Harrison Ford («L’Appel de la forêt») en 2020. Mais la vedette de «Chocolat» est pourvu de deux qualités appréciées des Américains : le goût du risque et l’humilité ! Son premier rôle outre-Atlantique, celui du mutant Lucas dans «X-Men : Days of Future Past», a été coupé au montage. «C’était une bonne leçon», a-t-il déclaré au New Yorker. «J’ai appris ce qu’était Hollywood. La surprise fut violente. En même temps, j’en ai beaucoup ri. Ensuite, j’ai voulu comprendre comment rendre l’acteur que je suis en Amérique aussi proche que possible de l’acteur que je suis en France».
Totalement «charming»
L’opportunité s’est présentée avec la série «Lupin», de Netflix, dont le carton a fait des vagues jusqu’aux États-Unis. De quoi rassurer celui dont la réputation, avant même de mettre un orteil à Hollywood, avait été critiquée lors de la sortie d’«Intouchables» («The Intouchables») en 2011. Le critique de films réputé Roger Ebert avait surnommé l’œuvre «Pushing Mister Philippe», car Omar (alias Driss) y poussait le fauteuil roulant de François Cluzet (alias Philippe), et avait décrit l’histoire comme l’éternelle caricature de l’homme noir au service de l’homme blanc. Le héros de «Samba», de son côté, s’est intégré avec délice dans la vie quotidienne de Los Angeles. Et a passé outre les mauvaises langues avec sa bonne humeur. Ce qui a amené George Kay, l’un des créateurs de «Lupin», à souligner : «Omar est solaire. Tout le monde le trouve charmant !»
Un merveilleux accident
Pareille aventure aurait pu se prolonger pour Jean Dujardin qui, après son Oscar du Meilleur acteur pour «The Artist» (2012), a fait sensation dans l’univers du 7e art d’outre-Atlantique, devenant pote avec George Clooney et tournant deux blockbusters («Le Loup de Wall Street» en 2013 et «Monuments Men» en 2014). Mais comme dans toute histoire d’amour fulgurante et passionnée, ça passe ou ça casse. «Brice de Nice» a été échaudé par deux mauvaises surprises. Adoré d’une partie des Américains, il a aussi fait les frais d’une certaine francophobie, en réponse à l’anti-américanisme méprisant d’une partie des Français. «L’Amérique déteste ton pays !», a-t-il pu lire sur les réseaux sociaux. Puis l’acteur a dû se plier aux règles du marketing qui accompagnent une sortie de film, avec son lot d’émissions radio et télé où il faut se vendre. «Je ne veux pas me « vendre » moi-même, ça me fait ch…», assène Dujardin sur la chaîne Orange Cinéday. «L’Oscar est un merveilleux accident. Hollywood, ce n’est pas là où je m’éclate le plus…» Il ajoute dans le JDD : «Je reçois encore des propositions, mais je les fuis : d’abord parce qu’il s’agit de rôles nuls de méchants ou de Français de service, et qu’on te dit : «Tu dois être là demain, tu seras payé autant, tu fermes ta g… et tu es content.» (…) J’ai aimé faire des infidélités à la France mais je pense que mes grands rôles sont ici.»
Contrariétés et déceptions
Parler anglais n’a pas non plus été sa tasse de Coca. Comme dit à Télépro en 2018 : «Je ne ressens aucune émotion en jouant dans cette langue, ça ne passe pas dans mes neurones. Je suis définitivement un acteur français ! D’ailleurs, George Clooney m’aime bien car je ne suis pas une menace. Puis, je n’ai jamais vu l’Amérique comme le Graal. Si on me propose un truc marrant – genre immigré français dans un western –, j’y retournerai le temps d’un tournage.»
Vincent Cassel a également sorti ses griffes. Pourtant très demandé par Hollywood («Ocean’s 12», «Ocean’s 13», «Black Swan», «A Dangerous Methode»), il n’a pas mis de gants pour se dire déçu dans Paris Match : «Le cinéma hollywoodien est mort. On est en train d’assister aux derniers soubresauts d’un dinosaure qui a compris que c’était la fin. Il produit des conneries inodores, incolores, avec des super-héros sans aspérité.»
«American dream» inespéré
L’une des seules «bonnes élèves» semble être Marion Cotillard . L’actrice oscarisée en 2008 pour «La Môme» a vécu des épreuves, mais a tenu bon face au système hollywoodien. «On m’a présenté des acteurs. Pas pour tourner un film, mais pour voir si j’attirais l’attention. Si je me mettais en couple avec un acteur américain connu, je bénéficiais d’emblée de plus d’intérêt», dit-elle au Monde. «Je débarquais. J’étais exotique, de la chair fraîche.»
Mais son émerveillement a gardé le dessus. Comme elle l’assure à The Talk : «Je suis de cette génération nourrie par les films américains, mais jamais je n’aurais pensé tourner un jour dans l’un d’eux. Je me sens très chanceuse. Soudain, je suis entrée dans ce monde de propositions incroyables et d’accès à des projets et des réalisateurs formidables. Cela m’a apporté des choses dont je rêvais. Et le rêve est toujours vivant.»
Cet article est paru dans le Télépro du 1er septembre 2022.
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