Catherine Deneuve : la cassure secrète

Entre Catherine Deneuve et Françoise Dorléac, la fusion était totale © Isopix

Ceux qui ont tourné avec elle la disent amicale, bonne vivante. D’autres entretiennent le mythe de la star froide. Et si elle était juste pudique ? Ce vendredi à 20h50, La Une diffuse le documentaire «Deneuve, la reine Catherine».

De ses rôles mythiques des années 1960, 70 et 80 aux emplois inattendus qu’elle interprète aujourd’hui en disant oui aux jeunes cinéastes, Catherine Deneuve (78 ans) a été toutes les femmes à l’écran : les timides, les révoltées, les douces, les indomptables.

Si son visage aux traits parfaits, encadré par des coiffures aussi versatiles et gracieuses que ses héroïnes, semble impassible, il cache une blessure dont l’actrice a accepté de parler une fois – une seule ! – et qui est peut-être à l’origine de sa pudeur farouche…

Insupportable

Ne tentez jamais de regarder entre les interstices de la barrière du jardin secret de la «Reine blanche». Le journaliste Laurent Delahousse s’y est pincé les doigts en 2019. Dans le premier volet d’«Un jour, un destin» consacré à Catherine, il a décrit la mort de Françoise Dorléac, sa sœur aînée, disparue à 25 ans dans un accident de voiture, en 1967.

«Tristana», bouleversée, a fait interdire la seconde partie de ce programme. Et écrit une lettre ouverte à l’importun, publiée dans Télérama : «C’est le mélange de fiction et de documents réels qui me semble le plus navrant. Une main sur le contact d’une voiture dans laquelle ma sœur va s’exploser quelques minutes plus tard. Suivi des images vraies de l’accident… C’est indigne. Vous l’avez produit, ce film, visionné et commenté, cela me sera toujours insupportable !»

Presque jumelles

Le sérail sait pourtant qu’il ne faut pas mettre de sel sur cette écorchure. Afin d’être tranquille, Catherine Deneuve avait évoqué cette épreuve qui l’avait transformée à jamais dans un livre signé avec le délicat écrivain Patrick Modiano : «Elle s’appelait Françoise» (Michel Lafon), en 1996. La publication est assortie d’un documentaire, diffusé sur Canal+. La comédienne y parle à cœur ouvert de son enfance, de sa famille, mais semble se livrer au prix d’un terrible effort. On y comprend que Françoise, surnommée Framboise, était son amie, sa moitié, son antithèse.

Catherine est née avec une beauté classique, un caractère posé et ne songe pas à percer dans le 7e art. Son aînée de dix-huit mois, elle, affiche une frimousse joliment effrontée, est anxieuse, exigeante et impatiente de crever l’écran. C’est elle qui amènera sa cadette sur les tournages.

Ironie du sort, les débuts de Deneuve sont plus triomphants que ceux de Dorléac. Mais leur talent respectif est indéniable et immortalisé dans «Les Demoiselles de Rochefort» par Jacques Demy. Leur complicité y est harmonieuse, magique. «À nous deux, nous ferions une femme formidable !», note Catherine.

Il est évident que les presque jumelles ont besoin l’une de l’autre comme le yin et le yang. Mais Françoise, trop pressée, se heurtera à son destin. Deneuve, seule, privée d’une partie d’elle-même, fera une grande carrière. Mais refusera toujours de trop se livrer dans ses interviews.

Iceberg en souffrance

Puisque les plus belles pages de son carnet intime ont brûlé, il faudra désormais la décrypter en filigrane. Voilà pourquoi sa réserve la fait passer pour froide. Tant pis si on la voit comme un iceberg. La partie immergée n’appartient qu’à elle.

Sa sœur était «cette promesse à qui l’on n’a pas laissé le temps de s’accomplir». Une souffrance intolérable pour Catherine Deneuve qui, au terme de ses confidences à Canal+, baisse les yeux et conclut au sujet de la défunte : «C’est la première fois que je parle d’elle. Je ne suis pas sûre qu’il y aura une seconde fois.»

Cet article est paru dans le Télépro du 27/1/2022

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