Cannes : une bise de Leila Hatami à Gilles Jacob fait scandale en Iran
Si l’image de la réalisatrice Leila Hatami faisant la bise le week-end dernier au président du Festival du film a pu paraître anodine sur la Croisette, en Iran, par contre, le vice-ministre de la culture en garde un goût amer.
Leila Hatami s’attire les foudres des autorités iraniennes
Membre du jury du Festival de Cannes, l’actrice, d’origine iranienne, a subitement vu son image, reprise dans certains médias du pays, affublée de la mention «inappropriée». En cause : une bise sur la joue échangée dimanche avec Gilles Jacob, président du Festival. Hossein Noushabadi, vice-ministre de la Culture en Iran, a rapidement critiqué l’acte, évoquant le fait que l’actrice avait eu «une attitude non conforme aux principes religieux».
Un geste anticulturel ?
En Iran, selon l’ayatollah Ali Khamenei, la loi islamique veille à la «chasteté» de la société. Il est interdit qu’une femme et un homme se touchent s’ils ne sont pas mariés ou liés par le sang. Selon la professeure de sociologie Azadeh Kian, deux personnes de sexes opposés ne sont alors même pas censés se serrer la main, sauf si elle est gantée et que la poignée de mains s’effectue sans pression.
Malgré le statut d’artiste et la notoriété mondiale de Leila Hatami, Hossein Noushabadi ne fait pas d’exception, accentuant d’autant plus le côté déplacé du geste de l’actrice. «Celles qui participent à des évènements internationaux devraient prendre en compte la crédibilité et la chasteté des Iraniens, afin de ne pas montrer une mauvaise image des Iraniennes», a-t-il estimé.
La polémique va plus loin
Selon Azadeh Kian, il est possible que la tenue de Leila Hatami ait aussi irrité le vice-ministre iranien de la Culture. Lors de l’ouverture du Festival, l’actrice portait une jupe au-dessus des chevilles, or la loi islamique interdit aux femmes de porter des vêtements qui laissent deviner leurs formes.
Les conservateurs iraniens ont d’ailleurs récemment réclamé un renforcement de la loi en terme de tenue vestimentaire, désirant imposer le port du voile islamique dans les lieux publics, allant jusqu’à créer une «unité de moralité» au sein de la police iranienne. Il semblerait que les responsables religieux craignent, en réalité, que les jeunes ne délaissent les valeurs islamiques pour un mode de vie plus occidental.
Néanmoins, le président Hassan Rohani, élu en juin 2013, se montre bien plus modéré et a demandé aux autorités de faire preuve de tolérance au sujet du mode vestimentaire et du port du voile.
Gilles Jacob dédramatise
«C’est moi qui ai fait la bise à Madame Hatami», a réagi Gilles Jacob, lundi matin, sur Twitter. Considérant le geste comme «une coutume habituelle en Occident», ce dernier a conclu, dans un second tweet, en expliquant que la polémique n’avait pas lieu d’être.
Selon Yann Richard, professeur émérite d’études iraniennes à la Sorbonne-Nouvelle, certaines courches de la société sont en train de se libérer. La polémique autour de Leila Hatami est donc ridicule, «il n’y a pas besoin d’épiloguer. L’actrice a voulu adresser un geste sympathique à l’encontre de Gilles Jacob, ni plus ni moins. Une femme voilée qui fait la bise, c’est un non-événement».
Floriane Nyssen (avec AFP)
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