Avec Bad Bunny, la révolution reggaeton est en marche

Le prince du reggaeton Bad Bunny à Coachella, le 14 avril 2023 en Californie © AFP VALERIE MACON

Des tubes endiablés, des chorégraphies savoureuses, des feux d’artifice… et, en prime, un cours magistral sur la musique des Caraïbes: le prince du reggaeton Bad Bunny a offert une prestation révolutionnaire à Coachella, dopée par son ascension vertigineuse.

Voilà seulement cinq ans, le Portoricain foulait la scène de ce festival ultra-branché de Californie en tant qu’invité de la rappeuse Cardi B.

Après une petite performance en 2019, le voilà cette année de retour en maître.

A la foule en délire venue le voir vendredi au milieu du désert, et à l’ensemble de l’industrie, Benito Antonio Martinez Ocasio — première tête d’affiche hispanophone de cet événement — a fait passer un message sans équivoque: la musique latino a une influence profonde, durable, et extrêmement profitable sur la culture d’aujourd’hui.

Un constat que les pontes de la musique commencent timidement à accepter.

« Je pense qu’ils sont progressivement en train de prendre en compte la demande de la population, et pas juste ce que l’industrie se contente normalement de promouvoir », analyse Vanessa Diaz, qui dispense un cours sur Bad Bunny à la Loyola Marymount University.

Et pour cause, les dizaines de milliers de fans à Coachella ont applaudi à tout rompre les tubes de « Un Verano Sin Ti », son dernier album au succès retentissant, et entièrement en espagnol.

De la bachata aux Bee Gees

Bad Bunny, le fils d’un camionneur et d’une enseignante, a grandi dans un petit bourg près de la capitale de l’île américaine de Porto Rico, San Juan.

Enfant, le petit Benito aiguise sa voix sur les bancs de son église, avant de développer des beats sur son ordinateur en explorant un répertoire aussi vaste que la bachata et les Bee Gees.

Il travaille dans un supermarché quand un label l’appelle à propos de ses morceaux, qui triomphent sur la plateforme Soundcloud.

Tout s’emballe, jusqu’à ce que l’artiste de 29 ans devienne le chanteur le plus écouté en streaming au monde — sans jamais négliger ses racines.

Bad Bunny ne manque pas une occasion d’honorer Porto Rico et ses traditions à travers sa musique et ses prises de paroles, tout en s’attardant sur les différentes évolutions récentes de la société comme la fluidité des genres — un discours qui le rend très populaire chez les jeunes.

« Tout le monde comprend ce lien intime avec sa patrie », ancienne colonie espagnole et devenue territoire américain à la fin du 19e siècle, souligne la professeure Vanessa Diaz.

« Son engagement dans cette cause trouve un fort écho à l’échelle mondiale », estime-t-elle.

Le prix de la gloire

Des nombreux ouragans qui ont ravagé l’île, aux manifestations en 2019 pour exiger la démission de son gouverneur, les oeuvres et actions de Bad Bunny l’ont de facto transformé en une sorte de figure politique.

« C’est ce qui en fait une personne si vénérée », juge Petra Rivera-Rideau, professeure au Wellesley College.

Mais de cette notoriété fulgurante découle aussi une attention exceptionnelle — et parfois très critique de ses fans.

Des rumeurs sur une relation amoureuse avec le mannequin Kendall Jenner, des prises de position sur le racisme accusées d’être trop timorées… la vie de l’artiste est scrutée, décortiquée et commentée dans les moindres détails.

A Coachella vendredi, Bad Bunny a tenu à faire le point directement avec son public.

« Les gens pensent qu’ils connaissent la vie des célébrités, mais ce n’est pas le cas », a-t-il lancé. « Ils ne savent pas ce qu’on ressent, ce qu’on traverse », a assuré l’artiste, avec cet avertissement: « Ne croyez pas tout ce que vous entendez ».

Sur scène en Californie, Bad Bunny a rendu hommage à toutes ses influences, tout en offrant un élan de fraîcheur au reggaeton — fusion de hip-hop et de reggae d’origine afro-caribéenne –, en le parfumant de notes de Latin trap.

A ses côtés se trouvait le rappeur portoricain Jhayco, un des nombreux artistes latinos avec lequel le chanteur collabore.

Et lorsque Post Malone, dont la prestation a été gâchée par des problèmes techniques, l’a rejoint sur scène, il a souri d’un air gêné tandis que Bad Bunny s’adressait à lui en espagnol.

Il était certainement en minorité: au début du set, Bad Bunny a demandé à la foule quelle était sa langue de choix.

La réponse du public était sans appel: « L’espagnol ! »

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