« Au nom du peuple français » : François Molins en tournée pour ses mémoires
« Un homme intègre », une « personne très importante pour la justice et pour la France », un « magistrat vu à la télévision »… les admirateurs se pressent pour les dédicaces de François Molins pendant le festival « Quai du Polar » ce week-end à Lyon.
En tournée pour présenter son livre « Au nom du peuple français » (Flammarion), le haut magistrat à la retraite après 46 ans de carrière apprécie ces rencontres avec le grand public.
Il a écrit ses mémoires parce que « les Français connaissent mal la justice » et qu’il « est normal de rendre compte » alors que « la justice traverse une crise de légitimité », explique-t-il dans un entretien avec l’AFP.
« C’est à la fois une crise de l’institution et une crise de moyens… la place de la justice, son sens et la qualité de ses décisions sont de plus en plus contestés », déplore l’homme de 70 ans qui a fait sa carrière au parquet hormis une parenthèse comme directeur de cabinet au ministère de la Justice, de 2009 à 2011.
« Quand 70% des Français ont une vision négative de l’institution, ça pose un problème », souligne le magistrat qui a enchaîné différents tribunaux: Carcassonne, Montbrison (Loire), Villefranche-sur-Saône (Rhône), Bastia, Lyon, Bobigny, Angers et enfin Paris, où il atteint le sommet de la hiérarchie judiciaire: procureur de Paris puis avocat général près la Cour de cassation.
« Je ne suis pas carriériste, mes choix ont toujours été fondés sur l’intérêt du poste », assure-t-il.
« A la télévision »
Le public découvre ses yeux clairs et sa voix réconfortante avec ses points de presse pendant les attentats de 2015. C’est d’ailleurs « à la télévision » que l’a connu Thibault Boussat, un étudiant de 24 ans venu chercher une dédicace « pour sa mère ».
Les mémoires de François Molins évoquent ses petits et grands dossiers: fraudes des viticulteurs du Beaujolais, catastrophe de Furiani – 19 morts et 2.357 blessés dans l’effondrement d’un stade en 1992 -, tueries de Montauban perpétrées en 2012 par Mohamed Merah, vagues d’attentats terroristes…
Et côté politique: fraude fiscale du ministre socialiste du Budget Jérôme Cahuzac, irrégularités des comptes de campagne de l’UMP, avec l’affaire Bygmalion, dérives d’Alexandre Benalla, chargé de mission de l’Elysée pendant le premier mandat Macron…
Le haut magistrat « ne dit pas tout » car il reste tenu à une « obligation de secret » même quand la chose est jugée. Il a toujours défendu la liberté d’expression et se félicite d’échapper à son « devoir de réserve ».
Parmi les « choses qu »il ne pouvait pas dire » avant: son « entretien courtois » en mars 2012 avec le président Nicolas Sarkozy qui lui « demande ses intentions » concernant l’enquête en cours sur l’arbitrage Tapie, « sujet sensible » qui « empoisonne la droite ». « Ma réponse ne le satisfera pas vraiment », écrit-il sobrement.
Cette « convocation » était inhabituelle même si le code de procédure pénale laissait encore la possibilité aux politiques de « donner des indications aux magistrats », explique-t-il lors d’un débat dans une salle bondée du tribunal judiciaire de Lyon.
Il raconte aussi avoir appris dans la douleur à ses débuts « la problématique des affaires sensibles et de l’indépendance de la justice », après avoir classé sans suite une affaire visant un notable de l’Aude sur demande de sa hiérarchie. Il défend « l’égalité de tous devant la loi », assure que la justice « a fait des progrès » et salue « le journalisme d’investigation ».
Ses mémoires évoquent aussi l »interminable feuilleton » qui a conduit le Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République.
Il tient à souligner que ce chapitre intitulé « du conflit d’intérêt au blocage institutionnel » commence et se termine « par un rappel du verdict d’innocence ». Il y plaide pour une « République exemplaire », soutenue par « l’éthique », la « probité des élus » et « l’exemplarité de leur comportement ».
Depuis son départ à la retraite, il intervient dans les lycées pour « expliquer les institutions de la République » et « former les profs d’histoire-géo », fait des conférences pour les étudiants, participe à des formations de magistrats et de policiers à l’étranger.
« C’est un homme intègre, on a bien besoin de gens comme ça », affirme Jean-Christophe Roy, un maître-nageur de 50 ans. « Dommage qu’il soit parti à la retraite ».
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