Au Kenya, des clichés inédits d’Elizabeth II dans les archives d’un célèbre photographe

La reine Elizabeth II et le président kényan Mzee Jomo Kenyatta sur une photo tirée des archives du photographe kényan Mohamed Amin, le 12 septembre 2022 à Nairobi © AFP Kabir Dhanji

Elizabeth II souriant à des enfants africains qui agitent de petits drapeaux, descendant du « train royal » ou serrant la main à un petit garçon curieux: ces clichés, parmi tant d’autres, dormaient jusque là dans les archives du célèbre photographe kényan Mohamed Amin.

Ces photos en noir et blanc de la reine, consultées par l’AFP, reflètent un niveau d’accès à un souverain aujourd’hui impossible, comme lorsqu’elle discute candidement avec le président kényan, à chacune de ses visites. Les clichés en montrent au moins trois différents.

Elizabeth II, décédée la semaine dernière à 96 ans, avait une relation particulière avec le Kenya, où elle se trouvait en 1952 lorsqu’elle avait appris la mort de son père. Arrivée en princesse dans ce qui était encore une colonie britannique, elle en était repartie reine.

Appareils photo en main, Mohamed Amin a couvert de son vivant toutes les visites royales au Kenya.

Ce photographe prolifique, devenu célèbre avec ses clichés bouleversants de la famine en Ethiopie en 1984, qui ont contribué à braquer les projecteurs internationaux sur ce drame, a pris près de 3 millions de clichés dans sa carrière.

Il a dirigé pendant des décennies Camerapix, une société qui fournissait des photos et vidéos à plusieurs médias, avant de mourir tragiquement en 1996, à 53 ans, dans le crash d’un avion détourné par des pirates de l’air.

Son fils, Salim Amin, a pris sa succession à Nairobi où il gère les gigantesques archives privées de son père, remplies de photos jamais montrées au public.

Même si son père, né en Tanzanie d’une famille originaire d’Asie du Sud, était « un enfant du colonialisme », Salim Amin souligne qu’il exprimait rarement son opinion sur la famille royale britannique. « Il ne pouvait pas se le permettre, car cela aurait eu un impact sur son travail », explique-t-il à l’AFP.

Racisme

Il ne se prosternait pas pour autant devant les autorités, et ne faisait pas de différence entre les princes et les pauvres, ajoute-t-il.

Il raconte ainsi comment son père avait, en Arabie Saoudite, décroché une interview exclusive avec le dictateur ougandais en exil Idi Amin Dada, surnommé le « Boucher de l’Afrique », parce qu’il avait discuté par hasard avec un de ses gardes du corps avant en Ouganda. « S’il n’avait pas été sympa avec le garde du corps » au départ, « il n’aurait jamais eu cette interview! ».

La mort de la Reine a ravivé le débat sur le passé colonial britannique et de ses abus et discriminations en Afrique, y compris sous son règne.

Mais de ce point de vue, la brillante carrière de Mohamed Amin prouve qu’il a su triompher des nombreux obstacles qui se dressaient face à lui au départ.

Photographe autodidacte, il a souvent été victime du racisme sur le terrain, avec des autorités qui se tournaient parfois automatiquement vers ses collègues blancs.

Mais il a fait de son identité une force. Selon son fils, il a réalisé que son succès était d’abord dû au fait « qu’il était un local » et qu’il « connaissait le continent par coeur ».

En 1992, Mohamed Amin, qui fut tout au long de sa carrière un témoin privilégié de tous les évènements importants sur le continent africain, a été décoré par Elizabeth II et élevé au rang de membre de l’Ordre de l’Empire britannique.

L’an dernier, Google a bâti un catalogue en ligne pour archiver son travail, en collaboration avec la fondation Mohamed Amin, qui forme notamment de jeunes africains au journalisme et à la réalisation.

Plus de 6.000 photos y ont déjà été chargées. Et d’autres vont suivre, parmi lesquels les rares inédits des visites d’Elizabeth II.

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