[Ardentes 2018] Eddy de Pretto : «J’étais très peureux en rentrant et très content en sortant de scène !»
Révélation de l’année de la chanson française, il était à Liège ce jeudi pour ouvrir le festival des Ardentes.
Vous venez de descendre de la scène des Ardentes, quelle est votre réaction à chaud ?
Je suis très content parce que je me suis dit que chanter à 15h30, ce n’était pas gagné. Je ne sais pas s’il y allait avoir du monde, si les gens allaient être chauds, s’ils connaîtraient le projet… J’avais plein d’appréhensions. Au final, au fur et à mesure du concert, j’ai senti que le public suivait, qu’il s’accrochait. À la fin, il y a eu comme un phénomène d’ensemble. Je l’ai ressenti et cela m’a fait énormément plaisir. J’étais très peureux en rentrant et très content en sortant !
Le festival des Ardentes est devenu une référence en matière de musiques dites urbaines. Vous ne voulez pourtant pas être renfermé dans un genre musical et vous ne vous revendiquez donc pas dans ce type de musique urbaine…
Je ne me revendique dans rien du tout (rire). Je n’ai jamais senti le besoin de me définir dans un style musical ou dans quoi que ce soit. Chaque personne crée son avis là-dessus. Mais moi en tout cas, je n’ai jamais dit que j’appartenais au rap ou que j’appartenais à la chanson, que j’étais un chanteur, un rappeur, un conteur, un slameur… J’aime cette idée de ne pas se figer sur quelque chose et de pouvoir aller à droite et à gauche en fonction de ses envies, de ses sensations. C’est un enfermement et un cloisonnement que j’ai envie d’éviter.
Vous avez été nourri de plusieurs influences musicales dès l’enfance et dans votre adolescence. Ces bases-là donnent naissance à ce que vous faites aujourd’hui ?
Sûrement. Inconsciemment, vu que ma mère écoutait beaucoup de chanson française et en bas de chez moi c’était quelque chose de beaucoup plus scandé, tenu et rappé. Je pense qu’aujourd’hui naturellement quand je suis devant ma feuille, il y a ces influences qui reviennent. Elles mélangent cette envie d’un vocal, d’un certain lyrisme et il y a aussi cette volonté de vouloir dire les choses de manière brute, directe et totale. Le tout engage les deux styles.
Justement, vous ne voulez pas vous placer dans une case et pourtant votre album, «Cure», commence par un titre qui s’intitule «Début», cela est plutôt classique. Serait-ce une manière de prendre les choses à contre-pied ?
Voilà, vous m’avez cerné (rire). «Début», moi je ne trouvais pas que c’était classique. Je n’ai jamais écouté un album quand j’était petit où il y avait écrit «Début». J’aimais bien cette idée d’introduction, d’amener quelque part. Avec «Musique basse», la dernière chanson, il y a une porte d’entrée et une porte de sortie à cette «Cure» justement qui va durer 54 minutes.
«Cure» est disque de platine. Pensez-vous au futur, aux prochaines chansons ou au prochain album ?
«Platine», comme nom d’album pour la suite (rire). Mais on verra, c’est un peu tôt pour définir le nom du prochain album. Le nom d’un album arrive souvent en fin de travail, c’est un peu comment tu vas le «ceriser» sur le gâteau.
Dans une interview à «Stupéfiant !» avec Léa Salamé sur France 2, vous avez dit : «À l’époque c’était dans ta chambre tu as le droit de faire cela, t’es cool et en bas (en parlant de la banlieue dans laquelle vous avez grandi) t’es comme cela et il n’y a pas de souci». Avez-vous eu besoin de ces deux pans qui s’opposent dans votre personnalité, dans votre vécu pour établir votre projet artistique ?
Sûrement. Je crois que c’est au-delà de nous, au-delà de moi. Je pense que ce qui me définit aujourd’hui psychiquement, c’est justement tout ce qui se passait là (NDLR : dans cette banlieue), avec ces questionnements, ces recherches d’identification… Je pense que forcément cela a creusé et fabriqué en moi quelque chose. J’ai ressenti une certaine sensibilité plus forte que les autres gars qui m’entouraient. J’ai eu l’impression parfois d’être un peu enfermé dans cette sursensibilité-là, dans ma chambre. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait quelque chose que je ne retrouvais pas chez les autres. Peut-être que cela m’a amené à me questionner d’autant plus et à fabriquer des choses que je n’aurais pas fait artistiquement si tout avait été simple.
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Vous avez confié ne pas vouloir écrire pour d’autres artistes, est-il important qu’un chanteur écrive ses propres chansons selon vous ?
Oui, totalement. C’est important car longtemps j’ai chanté les mots des autres et aujourd’hui j’avais envie de chanter mes mots. Pour moi, cela va dans le travail de l’écriture de soi et justement d’aller chercher dans ses tripes ce que l’on a envie d’écrire. Selon moi, c’est difficile de voir l’un sans l’autre !
Dans votre album vous êtes très personnel dans vos paroles, avez-vous réalisé que beaucoup de personnes se reconnaîtraient dans vos chansons au moment de l’écriture ou c’était un peu une surprise que de constater ce phénomène d’identification ?
J’avais un rêve, c’était que je puisse faire des scènes et que les salles soient complètes. J’avais ce rêve d’enfant innocent que de pouvoir remplir des salles. Quand j’ai commencé à travailler, à écrire je ne me suis pas vraiment posé la question à qui ça allait toucher. Et on est étonné parfois quand on voit plein de jeunes qui peuvent être touchés par ce genre de textes, de propos par le bais d’une forme toujours très personnelle, intime et impudique. Je suis très étonné de cela car j’ai commencé ma promo en France dans des médias familiaux. Aujourd’hui, tout cela semble s’ouvrir notamment grâce aux festivals. Je suis très content que les jeunes soient au rendez-vous comme les plus vieux. Ce n’est pas une histoire d’âge non plus, mais j’ai été très étonné.
Vous avez tourné dans des courts métrages et des publicités, comment l’envie vous est-elle venue de partager avec le public en concert plutôt qu’à travers un écran ?
J’ai toujours préféré la scène à l’écran parce que je trouvais qu’il y avait quelque chose de figé dans le cinéma. Le studio et la scène, c’est un peu pareil. On arrête dans le temps une image, une émotion et on joue un peu notre vie dans un tournage car la caméra ne triche pas, mais on joue aussi notre vie en studio. Dans tous les cas, on fige les choses pour des décennies, ce phénomène me stresse énormément. C’est pour cela que je préfère la scène car c’est un spectacle vivant où tout est à rejouer. Chaque minute compte et chaque minute est différente parce que les émotions qui passent, il faut les accepter. Chaque mot a des significations tout autre chaque soir, c’est cela qui me fait kiffer. C’est ressentir les émotions différentes et les partages différents tous les soirs.
Vous vous êtes produit au Botanique à Bruxelles et ici aux Ardentes. Vous serez bientôt aux Solidarités de Namur et à l’Eden de Charleroi. Avez-vous une préférence pour la scène dans une salle ou en festival ?
Ce sont deux travails différents. À part la musique, il n’y a rien qui se ressemble et qui est comparable. En salle, on a un public entre guillemets conquis alors qu’en festival, le public est là avec une certaine ferveur. Une ferveur totale qui veut t’attraper et qui veut que l’on te choppe le plus rapidement possible. En festival, il y a beaucoup plus de curieux, il y un phénomène un peu dubitatif et un truc du genre : «oh c’est qui ce mec ? Il va peut-être me saouler. Ah oui, il me saoule !». Dans ce cas, le but c’est que tu fasses changer d’avis. En plus, il y a une énergie un peu dispersée, il fait beau, c’est un peu la «teuf». Du coup, on voit cela et on se dit qu’il faut que les spectateurs arrêtent de penser à faire la teuf ou aller acheter la bière la moins chère pour qu’ils restent à ton concert. C’est tout un travail de tension totalement différent. Mais les deux sont de très chouettes expériences !
Olivier Desmet
Votre succès semble être fulgurant, vous parlez de tomber au bon moment et d’une sorte de magie. Cette magie-là, faut-il l’entretenir ou on la laisser faire sans contrôle ?
La beauté de cela, c’est que j’ai envie de me faire surprendre par tout ce qui arrive et, de temps en temps, un peu lâcher les rênes, une chose qui est parfois un peu difficile parce que j’ai été habitué à mettre tout sous tension pour arriver jusqu’ici. Aujourd’hui, sans trop de relâche, il y a une sorte d’apaisement car je me dis que c’est un premier step. Je le laisse venir, j’en profite, je m’en amuse mais tout en réfléchissant à la suite.
Vous êtes couramment comparé à d’autres artistes, on entend souvent dire que vous avez la créativité de Stromae, la voix de Brel ou encore un univers proche à celui de Christine and Queens. Quel effet cela vous fait personnellement ?
C’est cool, tant mieux même si cela reste encore dans une idée de cloisonnement et de références. Si ça touche les personnes qui écoutent ces gens-là et qui sentent une filiation parce qu’il y a des liens, tant mieux. Moi j’ai écouté ces artistes-là, je suis flatté, c’est cool parce que ce sont des gens qui ont réussi à aller où ils voulaient aller. Après, moi, ça ne me fait rien de spécial à part me faire plaisir. Mais c’est chiant d’être comparé systématiquement aux mêmes personnes parce que le propos n’est le même. On a toujours ce besoin de rattacher les choses à d’autres choses que l’on connaît. Ce phénomène va avec l’aspect de «cases». Moi, il y a des gens qui viennent me voir en me disant : «mon dieu, je suis un peu troublé, je ne sais pas comment te qualifier», ça me saoule un peu.
Tout au long de l’album, vous semblez être révolté par de nombreux sujets tels que la définition de la virilité, l’homophobie, le regard des autres… Pensez-vous avoir fait le tour des sujets qui vous tiennent à cœur ou avez-vous encore d’autres causes à défendre ?
Non, bien sûr que j’ai encore des sujets. Tu parlais de la définition de la virilité, pour moi c’est plus qu’une définition. C’est plutôt un questionnement. Il n’y a rien d’arrêté, il n’y a rien de figé. Donc ces thèmes pourront être réutilisés, réinterprétés, recreusés et redéfinis d’une autre manière peut-être dans un deuxième album, dans un troisième ou ailleurs. Tellement tout cela va avec l’effet de grandir, l’effet de connaître et de connaître tout ces thèmes-là par rapport à soi et la manière dont on les vit par rapport aux autres. C’est cela qui m’intéresse, c’est comment grandir par rapport à la recherche de soi, se connaître soi-même par rapport à un contexte. C’est cela qui m’excite. Ces thèmes-là pourront être retraités d’une autre manière mais il y en aura d’autres.
«Cure» est disque de platine. Pensez-vous au futur, aux prochaines chansons ou au prochain album ?
«Platine», comme nom d’album pour la suite (rire). Mais on verra, c’est un peu tôt pour définir le nom du prochain album. Le nom d’un album arrive souvent en fin de travail, c’est un peu comment tu vas le «ceriser» sur le gâteau.
Dans une interview à «Stupéfiant !» avec Léa Salamé sur France 2, vous avez dit : «À l’époque c’était dans ta chambre tu as le droit de faire cela, t’es cool et en bas (en parlant de la banlieue dans laquelle vous avez grandi) t’es comme cela et il n’y a pas de souci». Avez-vous eu besoin de ces deux pans qui s’opposent dans votre personnalité, dans votre vécu pour établir votre projet artistique ?
Sûrement. Je crois que c’est au-delà de nous, au-delà de moi. Je pense que ce qui me définit aujourd’hui psychiquement, c’est justement tout ce qui se passait là (NDLR : dans cette banlieue), avec ces questionnements, ces recherches d’identification… Je pense que forcément cela a creusé et fabriqué en moi quelque chose. J’ai ressenti une certaine sensibilité plus forte que les autres gars qui m’entouraient. J’ai eu l’impression parfois d’être un peu enfermé dans cette sursensibilité-là, dans ma chambre. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait quelque chose que je ne retrouvais pas chez les autres. Peut-être que cela m’a amené à me questionner d’autant plus et à fabriquer des choses que je n’aurais pas fait artistiquement si tout avait été simple.
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Vous avez confié ne pas vouloir écrire pour d’autres artistes, est-il important qu’un chanteur écrive ses propres chansons selon vous ?
Oui, totalement. C’est important car longtemps j’ai chanté les mots des autres et aujourd’hui j’avais envie de chanter mes mots. Pour moi, cela va dans le travail de l’écriture de soi et justement d’aller chercher dans ses tripes ce que l’on a envie d’écrire. Selon moi, c’est difficile de voir l’un sans l’autre !
Dans votre album vous êtes très personnel dans vos paroles, avez-vous réalisé que beaucoup de personnes se reconnaîtraient dans vos chansons au moment de l’écriture ou c’était un peu une surprise que de constater ce phénomène d’identification ?
J’avais un rêve, c’était que je puisse faire des scènes et que les salles soient complètes. J’avais ce rêve d’enfant innocent que de pouvoir remplir des salles. Quand j’ai commencé à travailler, à écrire je ne me suis pas vraiment posé la question à qui ça allait toucher. Et on est étonné parfois quand on voit plein de jeunes qui peuvent être touchés par ce genre de textes, de propos par le bais d’une forme toujours très personnelle, intime et impudique. Je suis très étonné de cela car j’ai commencé ma promo en France dans des médias familiaux. Aujourd’hui, tout cela semble s’ouvrir notamment grâce aux festivals. Je suis très content que les jeunes soient au rendez-vous comme les plus vieux. Ce n’est pas une histoire d’âge non plus, mais j’ai été très étonné.
Vous avez tourné dans des courts métrages et des publicités, comment l’envie vous est-elle venue de partager avec le public en concert plutôt qu’à travers un écran ?
J’ai toujours préféré la scène à l’écran parce que je trouvais qu’il y avait quelque chose de figé dans le cinéma. Le studio et la scène, c’est un peu pareil. On arrête dans le temps une image, une émotion et on joue un peu notre vie dans un tournage car la caméra ne triche pas, mais on joue aussi notre vie en studio. Dans tous les cas, on fige les choses pour des décennies, ce phénomène me stresse énormément. C’est pour cela que je préfère la scène car c’est un spectacle vivant où tout est à rejouer. Chaque minute compte et chaque minute est différente parce que les émotions qui passent, il faut les accepter. Chaque mot a des significations tout autre chaque soir, c’est cela qui me fait kiffer. C’est ressentir les émotions différentes et les partages différents tous les soirs.
Vous vous êtes produit au Botanique à Bruxelles et ici aux Ardentes. Vous serez bientôt aux Solidarités de Namur et à l’Eden de Charleroi. Avez-vous une préférence pour la scène dans une salle ou en festival ?
Ce sont deux travails différents. À part la musique, il n’y a rien qui se ressemble et qui est comparable. En salle, on a un public entre guillemets conquis alors qu’en festival, le public est là avec une certaine ferveur. Une ferveur totale qui veut t’attraper et qui veut que l’on te choppe le plus rapidement possible. En festival, il y a beaucoup plus de curieux, il y un phénomène un peu dubitatif et un truc du genre : «oh c’est qui ce mec ? Il va peut-être me saouler. Ah oui, il me saoule !». Dans ce cas, le but c’est que tu fasses changer d’avis. En plus, il y a une énergie un peu dispersée, il fait beau, c’est un peu la «teuf». Du coup, on voit cela et on se dit qu’il faut que les spectateurs arrêtent de penser à faire la teuf ou aller acheter la bière la moins chère pour qu’ils restent à ton concert. C’est tout un travail de tension totalement différent. Mais les deux sont de très chouettes expériences !
Olivier Desmet
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