Affaire PPDA : Florence Porcel « ne lâchera rien »
Dans un entretien accordé à l’AFP, la première femme à avoir porté plainte pour viols contre Patrick Poivre d’Arvor dit avoir l’espoir d’un procès, une enquête préliminaire venant d’être relancée et les investigations la concernant se poursuivant.
L’écrivaine, âgée de 39 ans, est à l’origine de « l’affaire PPDA », l’une des plus emblématiques en matière de violences sexuelles en France.
Depuis sa plainte en février 2021, au moins 45 femmes ont accusé devant la justice l’ancien présentateur vedette de TF1 de les avoir violées, agressées ou harcelées sexuellement.
« J’ai déclenché à mon insu une affaire plus large que mon propre dossier. C’est vertigineux et douloureux, à chaque fois, de recevoir ces récits traumatiques », confie Florence Porcel.
Une première enquête, recueillant 23 témoignages dont sa plainte, a été classée en juin 2021. Mais Mme Porcel a obtenu, en décembre 2021, la saisine de deux juges d’instruction. En parallèle, une seconde enquête préliminaire, qui était en voie de clôture, vient d’être relancée: trois nouvelles femmes se sont manifestées, faisant grimper à 22 le nombre de témoignages.
Le journaliste et écrivain nie tout en bloc. Invité sur l’émission Quotidien en mars 2021, il a accusé Florence Porcel d’être motivée par « une quête de notoriété inconvenante ».
« Depuis ma plainte, je suis au chômage. Toutes les propositions de travail se sont arrêtées », rétorque celle qui exerçait comme vulgarisatrice de contenus scientifiques.
« Je ne lâcherai rien. » « Je savais les difficultés auxquelles j’allais me confronter mais j’ai pris ce risque car je n’en peux plus de vivre avec ça depuis presque vingt ans, je voudrais enfin commencer ma vie. »
« Des parties de moi-même sont mortes et je ne les récupérerai jamais, c’est le principe du viol, mais je vivrais beaucoup mieux avec ces absences s’il y avait un procès », détaille-t-elle.
« Survivre »
Mme Porcel accuse M. Poivre d’Arvor de l’avoir violée en 2004, quand elle avait 21 ans, dans son bureau de TF1, puis en 2009. Entre temps, ils ont eu un rapport sexuel consenti en 2008, raconte-t-elle.
Cette chronologie a suscité la suspicion. Pourquoi « y être retournée » ? Et ses vieux échanges intimes avec une amie, dévoilés dans la presse et dans lesquels elle exprime des fantasmes pour PPDA, ne prouvent-ils pas qu’elle était consentante ?
« J’assume complètement ces échanges. Peu importe si une femme a des fantasmes ou des sentiments, ce qui compte dans la définition pénale du viol, c’est l’instant T: sur le moment, y a-t-il eu violence, menace, contrainte ou surprise ? », répond Florence Porcel.
En 2004, l’étudiante en comédie musicale « venait de survivre à une tumeur au cerveau » quand elle a écrit à PPDA. Ce dernier l’invite à assister au journal télévisé. Puis la reçoit dans son bureau. Là, elle dénonce un rapport sexuel non consenti. De nombreuses femmes ont décrit à la justice ce « coup du plateau ».
« A 21 ans, je n’avais pas les outils pour comprendre », affirme Florence Porcel. « Je ne connaissais pas la définition pénale d’un viol et j’avais en tête celle, cinématographique, d’un inconnu qui vous saute dessus dans un parking. »
Puis M. Poivre d’Arvor « m’a recontactée ». « Il est entré dans ma vie et m’a fait croire à une chimère amoureuse », assure-t-elle. S’y fier était « le seul moyen pour moi de survivre. Si j’avais dû regarder en face la violence de ce que j’avais vécu, je me serais effondrée ».
« Banale statistiquement »
Elle évoque ensuite un rapport sexuel consenti, en 2008, et dénonce une fellation imposée, en 2009.
« On essaie de faire croire que mon histoire est exceptionnelle, mais elle est banale statistiquement : dans 91% des viols, la victime connaît l’agresseur et pour la moitié, l’agresseur est un conjoint ou un ex avec qui elle a déjà eu des rapports. »
« Mon cerveau sait que je ne suis pas coupable », mais l’emballement médiatique autour de l’affaire nourrit en elle un sentiment de « honte ». Une pernicieuse « envie de disparaître ».
Cartésienne, elle décrypte études et rapports pour analyser ce sentiment. Résultat: son livre, « Honte » (éd. JC Lattès) paru en janvier, où elle « pulvérise sa pudeur naturelle ».
« Je veux écrire pour ceux, et aussi un peu celles, qui ne veulent pas comprendre ce qu’est un viol. » Une « intrusion forcée, enfoncée, verrouillée », qui peut se dérouler « même sans violence, sans torture » et « dans un calme assommant ».
Et après, la honte, cet « outil politique utilisé par les dominants pour faire taire », fait son œuvre et ronge, décrit Florence Porcel. « Demande-t-on à une victime d’un vol si elle a résisté à son vol ? », s’insurge-t-elle. Non. Mais à elle, plaignante pour viols, si.
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