Adèle Haenel, une énergie frondeuse et brute
Adèle Haenel, 30 ans et déjà deux César, est une actrice instinctive et physique, devenue l’une des comédiennes les plus prisées et reconnues du cinéma français, des « Combattants » au « Portrait de la jeune fille en feu ».
L’actrice, qui accuse le réalisateur Christophe Ruggia, avec qui elle avait tourné son premier film, « Les Diables », d' »attouchements » et de « harcèlement » alors qu’elle avait entre 12 et 15 ans, est devenue le symbole d’un possible tournant pour #MeToo en France, depuis la parution dimanche d’une enquête de Mediapart dans laquelle elle se livre.
« Il m’a détruite », a-t-elle confié lundi, expliquant parler aujourd’hui parce qu’elle « est en mesure de le faire, parce qu'(elle) travaille suffisamment, qu’elle a des projets dans la vie, un confort matériel, des alliances ».
Récompensée en 2014 et 2015 par deux César, l’actrice a en effet connu ces dernières années un parcours remarqué, tournant avec des cinéastes prestigieux, de Bertrand Bonello aux frères Dardenne, et présentant de nombreux films au Festival de Cannes, dont les remarqués « 120 battements par minutes » de Robin Campillo en 2017 et « Portrait de la jeune fille en feu » cette année.
Dans ce film, histoire d’amour interdite entre deux femmes dans un XVIIIe siècle corseté, à l’affiche depuis septembre, elle incarne Héloïse, une jeune femme à la colère intériorisée, qui va se rapprocher de la peintre qui doit faire son portrait en vue de son mariage avec un inconnu.
– « Les Diables » –
Née le 1er janvier 1989, fille d’une enseignante et d’un traducteur autrichien, cette belle blonde vive et nature aux yeux bleus, au parler franc et au physique athlétique, a grandi à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Après avoir fait du théâtre en amateur, elle débute dans le cinéma un peu par hasard à l’occasion d’un casting pour « Les Diables » en décembre 2000, alors qu’elle a 11 ans.
C’est lors de la préparation et du tournage de ce film, sorti en 2002 et dans lequel elle interprète une adolescente autiste qui va découvrir l’amour physique avec son frère, qu’Adèle Haenel dit avoir été sous « l’emprise » de Christophe Ruggia, avant un « harcèlement sexuel permanent », des « attouchements » répétés et des « baisers forcés dans le cou ».
Après cette histoire, Adèle Haenel décide de renoncer au cinéma. Elle y revient cependant en 2007, sollicitée par la même responsable de casting, pour « Naissance des pieuvres » de Céline Sciamma, qui deviendra sa compagne et fera partie « des gens qui lui ont sauvé la vie », dit-elle.
« C’est quelqu’un qui m’a écoutée, qui a pris acte de ce que je disais », explique-t-elle.
Après ce film, dans lequel elle joue une adolescente capitaine d’une équipe de natation synchronisée qui exerce une fascination sur l’une de ses camarades, elle poursuit ses études en entrant en prépa HEC, mais sans oublier le cinéma.
En 2011, elle est une prostituée au caractère affirmé dans « L’Apollonide: Souvenirs de la maison close » de Bertrand Bonello, qui lui vaut le Prix Lumière du meilleur espoir.
– « Charisme » –
En 2014, elle connaît la reconnaissance de ses pairs aux César dans la catégorie meilleure actrice dans un second rôle pour « Suzanne » de Katell Quillévéré. Elle y est Maria, une jeune femme qui entretient une relation fusionnelle avec sa soeur fragile.
A l’occasion de son prix, la jeune femme fait son coming out en remerciant Céline Sciamma: « Parce que je l’aime ».
En 2015, elle obtient le César de la meilleure actrice pour « Les Combattants » de Thomas Cailley. Elle y incarne Madeleine, une jeune femme abrupte, rebelle et impulsive, qui se prépare à l’apocalypse. Elle a « une énergie, une présence, bref un charisme », dira d’elle Thomas Cailley à l’AFP.
Elle s’illustre la même année avec son interprétation de femme passionnée dans « L’homme qui aimait trop » d’André Téchiné, dans lequel elle joue Agnès Le Roux, disparue mystérieusement en 1977.
« J’ai été épaté par son instinct, son inventivité », confiait à l’AFP Téchiné.
Parmi ses rôles marquants, cette actrice exigeante incarnera encore une militante acharnée d’Act Up dans la fresque des années sida « 120 battements par minute », ou une policière impétueuse dans la comédie de Pierre Salvadori « En liberté! ». Cette année, elle a présenté pas moins de trois films à Cannes.
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