Julien Vandevenne

Vis ma vie de migrant…

Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Mariages arrangés, tromperies, scénarios bidons… On pensait avoir déjà tout vu en matière de téléréalité. Mais des producteurs anglais viennent de pousser le bouchon de l’infamie à son paroxysme !

«Go Back Where You Came From» (Retourne d’où tu viens) : rien que le titre de cette émission d’outre-Manche donne déjà la nausée.

Diffusée sur Channel 4 depuis le début du mois de février, elle prétend faire vivre à six candidats britanniques le périple de migrants, mais dans le sens inverse.

Au début des quatre épisodes, ils sont «lâchés» dans des pays où ils vont devoir vivre la vie de réfugiés : les uns à Raqqa en Syrie, les autres à Mogadiscio en Somalie. Leur objectif : survivre, quitte à aller fouiller dans les décharges, et retourner vers Londres sans aucun moyen à leur disposition…

Dans l’ultime épisode, on les voit même «tenter» une traversée maritime sur un minuscule bateau de fortune, semblable à ceux qui échouent régulièrement sur les rives de la Méditerranée ou de la Manche.

Selon les producteurs, un programme de ce type aurait le mérite de susciter le débat autour des véritables conditions de vie des immigrés, loin des sempiternelles statistiques et traditionnelles invectives politiciennes en studio. «L’émission explore les diverses opinions, parfois polarisées dans notre société, sous un angle nouveau», a défendu un porte-parole du programme. 

Pour une des candidates de 24 ans, qui se dit chroniqueuse politique (c’est dire le niveau…), c’est «un show très amusant que beaucoup de gens voudront regarder». Probablement «beaucoup plus qu’un documentaire traditionnel et ennuyeux»…

La demoiselle oublie sans doute qu’au moins 78 personnes sont encore mortes rien qu’en 2024 en voulant rejoindre clandestinement l’Angleterre par la mer, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Des drames qui n’ont absolument rien à faire, de près ou de loin, dans une émission basée sur le jeu.

«La politique étant devenue un divertissement, ce n’est pas surprenant que le divertissement devienne politique», commente à l’AFP Myria Georgiou, professeure de communication à la London School of Economics.

Pour le 90e anniversaire de la libération d’Auschwitz, dans dix ans, faudra-t-il envoyer des équipes de jeunes écervelés se confronter aux tortures des camps de la mort ? N’en parler pas aux producteurs, ça pourrait leur donner des idées…

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