Julien Vandevenne
Recadrage public
«La RTBF n’a pas nécessairement pour vocation d’être le centre de gravité du paysage audiovisuel belge francophone», selon Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot. Avec ces quelques mots, les patrons du MR et des Engagés, appelés à présider aux destinées au sud du pays pour les cinq prochaines années, ont clairement résumé leurs intentions.
Parmi le lot de nouvelles mesures en matière d’enseignement, de formation professionnelle ou de taxations régionales, on ne s’attendait pas à ce qu’ils s’attaquent aussi frontalement au service public de l’audiovisuel.
Les intentions sont a priori louables. Le futur gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles entend revoir le décret statutaire de la RTBF pour «mieux baliser l’exercice des missions de service public et rétablir un cadre de saine concurrence.» Objectif : recentrer la chaîne sur l’information, la culture et l’éducation permanente.
Jusque là, on est tous plus ou moins d’accord.
Néanmoins, entre les lignes, on entrevoit dans le collimateur au moins un type d’émission qui coûte cher : les grandes compétitions comme la F1 ou la Coupe du Monde de foot.
Le tandem Bouchez-Prévot a d’ailleurs déclaré dans la foulée que la RTBF devra aussi revoir sa politique d’acquisition des droits de diffusion de programmes sportifs, pour «ne pas empêcher les chaînes de télévision privées belges francophones qui le désirent de les acquérir au prix du marché.»
Des propos qui font curieusement écho à une interview publiée sur notre site voici quelques jours à peine :
Ne pas gaspiller l’argent public, très bien. Mais se priver de telles retransmissions ne risque-t-il pas de mener la RTBF vers une inévitable réduction des moyens, au détriment d’autres projets ?
Je me souviens qu’il y a une quinzaine d’années, concernant la multiplication de divertissements un peu «gnangnans» sur La Une, Yves Bigot, alors directeur des programmes, avait justifié sa décision par des intentions plutôt louables : l’argent engrangé durant les coupures publicitaires allait servir à financer des concepts moins grand public, plus pointus, plus difficiles à vendre à des annonceurs, comme la couverture du Concours Reine Elisabeth. Et la suite lui a plutôt donné raison.
En privant le Boulevard Reyers de la manne budgétaire que représente un Grand Prix de Belgique à Spa-Francorchamps, c’est peut-être la culture et l’info que l’on déforce par ricochet.
Avant de prendre des décisions à l’emporte-pièce, il faudra donc bien mesurer toutes les conséquences à long terme des coupes envisagées, sachant que quoi qu’il se décide en haut lieu, la RTBF devra de toute façon s’attendre à des restrictions : on annonce que sa dotation annuelle sera gelée durant toute la législature à un montant équivalent à celle de cette année.
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