Julien Vandevenne
Inquiétante incursion
On l’avait quittée en 2015-2016 en tant que ministre fédérale de la Mobilité critiquée par sa gestion jugée «hasardeuse» des dossiers SNCB et sécurité des aéroports. En cette rentrée 2024, deux mois à peine après sa nomination au poste ministre des Médias en Fédération Wallonie-Bruxelles, on retrouve Jacqueline Galant (MR) de nouveau en mauvaise posture. Mais cette fois, ce n’est peut-être pas totalement involontaire…
Ce coup-là, personne ne l’avait vu venir ! Le week-end dernier, alors que tout le monde se préoccupe de dossiers bien plus cruciaux comme le conflit au Proche-Orient, le procès Pélicot ou les prochaines élections communales, Jacqueline Galant a cru bon réagir «à chaud» sur une campagne d’auto-promotion de la RTBF à propos d’un article sur l’antiracisme paru sur le Web, qui était plutôt passé inaperçu aux yeux du grand public…
Sur le réseau X (ex-Twitter), la ministre MR, en charge notamment des Médias, a appelé le service public belge à respecter «scrupuleusement les obligations déontologiques et légales qui s’imposent à elle», épinglant ce sujet qui, à ses yeux, manquait de pluralisme.
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— Jacqueline Galant (@J_Galant) September 21, 2024
Combattre toute forme de racisme ou de discrimination est un de mes combats les plus chers. Néanmoins, je m’étonne qu’un média tel que la RTBF, média de service public, diffuse unilatéralement une opinion culpabilisante, https://t.co/7To4tZSHnG
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— Jacqueline Galant (@J_Galant) September 21, 2024
susceptible d’attiser les divisions entre les composantes de la société.
Même si la volonté exprimée en filigrane est potentiellement louable, il me paraît essentiel que tous les courants d’opinion,
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— Jacqueline Galant (@J_Galant) September 21, 2024
et notamment ceux qui visent à rassembler ces composantes aient un égal droit d’expression.
Il importe donc que la RTBF veille à assurer ce pluralisme et respecte scrupuleusement les obligations déontologiques et légales qui s’imposent à elle.
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Une critique qui n’est – elle – pas passée inaperçue, puisqu’elle a déclenché immédiatement une réaction courroucée de la FEJ (Fédération européenne des journalistes) qui y voit, en résumé, une tentative d’interférence du monde politique dans le travail des journalistes. Un coup de canif à l’indispensable principe de liberté de la presse.
Car, qu’elle ait raison ou non sur le fond, c’est sur la forme que cela pose problème. Dans une démocratie saine, une ministre n’a pas à s’en prendre à la ligne éditoriale de la radio-télévision publique. Ce sont les journalistes qui sont les seuls garants des choix de sujets, des intervenants, des angles d’attaque…
Et quand bien même Jacqueline Galant aurait un problème – personnel ou non – avec un reportage ou une émission, ce n’est pas sur le réseau social d’Elon Musk qu’elle doit s’en prendre à la RTBF… Elle aurait pu saisir les instances de régulation qui existent pour éviter toute dérive du milieu : le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) et le CDJ (Conseil de déontologie journalistique).
Selon la FEJ, légalement, la sortie de Galant va même à l’encontre de la Convention européenne des Droits de l’homme, dont l’article 10 garantit la liberté de la presse.
Tout cela semble embarrasser la ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Elisabeth Degryse (Les Engagés), obligée de rapidement clarifier sa position après une interpellation de l’opposition en commission du Parlement : «Je peux vous certifier que pour mon gouvernement, la liberté de la presse est essentielle», a-t-elle déclaré mardi.
Comment expliquer qu’une politicienne chevronnée comme Jacqueline Galant (50 ans) commette une telle bourde d’entrée de jeu ? Naïveté ? Empressement ? Revanche personnelle ? Ou bien coup politique en pleine campagne électorale ? À l’heure d’écrire ces lignes, on attend avec impatience sa première réaction ce mercredi après-midi en séance plénière du Parlement.
Mais selon le secrétaire général de la FEJ, le Liégeois Ricardo Gutiérrez, cet incident s’inscrit dans un contexte européen plus large. «Il y a de plus en plus de ministres des Médias qui se permettent ce genre d’interférence, surtout à l’encontre des médias publics. Les régimes illibéraux pratiquent cela quotidiennement», même s’ils n’en ont «pas l’exclusivité». Des alertes ont déjà été lancées à l’encontre de représentants gouvernementaux ou de l’opposition, tant de gauche que de droite, rappelle-t-il.
Plus que jamais, la vigilance est donc de mise.
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