Martine souffle 60 bougies !
À l’occasion de l’anniversaire de l’héroïne du Belge Marcel Marlier, l’expo «I Love Martine» lui est consacrée à Paris.
Martine, la petite fille sage qui aura toujours 10 ans, souffle cette année ses 60 bougies. Depuis 1954, la jeune héroïne appréciée par quatre générations d’enfants nous fait vivre son quotidien et ses aventures : au zoo, au parc, dans le train, à l’école… Un succès que ses deux «papas» – Gilbert Delahaye au stylo et Marcel Marlier au pinceau – n’imaginaient pas lors de la parution du premier album «Martine à la ferme». Soixante albums plus tard, Martine demeure une référence unique dans le monde de l’édition jeunesse, avec plus de 110 millions d’exemplaires vendus en français et 40 millions en une trentaine de langues étrangères. Selon les pays, elle s’appelle Anita, Tiny, Maja, Zana, Debbie, Aysegül ou encore Marika. Les 60 ans de cette petite Belge qui continue de passionner les enfants du monde entier sont célébrés à travers l’exposition parisienne «I love Martine» (*).
Rencontre à Paris avec Marie-Augustine Marlier, la veuve du dessinateur, et François Marlier, l’un de ses deux fils.
Comment Marcel Marlier voyait-il la longévité de Martine ? En était-il fier, étonné… ?
Marie-Augustine Marlier : Fier, il ne l’était sûrement pas. Il attachait peu d’importance à cela. De plus, tout est venu petit à petit. La seule chose qui l’intéressait était de dessiner et de ne pas rester sur ses acquis. Martine est un personnage récurrent et pourtant, elle est différente d’un album à l’autre. Il évoluait. Il voulait juste dessiner et faire bien.
François Marlier : Papa était étonné et content de la longévité de Martine. Il n’avait jamais imaginé cela. Il a toujours mis son cœur et son âme dans ses dessins. Pour chaque album, il s’imprégnait à fond d’un sujet. Ensuite, il pouvait seulement commencer à créer.
Comment expliquez-vous un tel succès autour de cette série ?
M.-A. M. : Son succès, il le doit à son talent et au fait qu’il n’est jamais resté sur ses acquis.
F.M. : En effet, ses dessins étaient de grande qualité. Et ce succès s’explique également par la passion qu’il y mettait et le côté vécu. Les histoires de Martine étaient souvent des histoires vécues en famille. Il puisait une histoire dans des anecdotes de notre quotidien. Plus tard, il s’est aussi inspiré d’histoires vécues par mes enfants.
Martine était-elle un membre à part entière de votre famille ?
F.M. : Oui, mais au même titre que Jean-Loup et Sophie ou d’autres personnages, car Papa, travaillant à la maison, était fort présent. Il enseignait le jour et dessinait la nuit. Nous vivions intensément les choses. Et il nous faisait choisir les meilleurs dessins. Un choix toujours très difficile car ses dessins étaient tous extraordinaires. On n’imagine pas tout le travail derrière chaque album.
M.-A. M. : En effet, beaucoup d’albums sont des anecdotes que nous avons vécues : comme l’histoire avec le furet, un mercredi pas comme les autres, le moineau… Il travaillait six mois sur un sujet. Il réalisait 700 à 800 esquisses par album.
Était-ce un souhait de Marcel Marlier de ne pas voir Martine lui survivre ?
M.-A. M. : C’était un souhait de toute la famille. Gilbert Delahaye avait déjà donné de son vivant l’autorisation que d’autres scénarisent des histoires de Martine. Mais à son décès, Casterman nous a demandé ce qu’il se passerait à la mort de mon mari. Il n’était pas question que quelqu’un reprenne la série. Toute la famille était unanime. Martine, c’était sa vision des choses. Cela ne peut pas être repris par quelqu’un d’autre.
F.M. : Mon père était irremplaçable car il y mettait sa vie et son âme. Et il n’a jamais eu de but commercial. Je vois mal quelqu’un reprendre cette âme, cette évolution, cette histoire et cette qualité de dessin. Il avait atteint un tel niveau de qualité, de technicité.
Que ressentez-vous en voyant les enfants d’aujourd’hui lire encore les albums de Martine ?
F.M. : C’est extraordinaire ! Ces livres ont une âme, ce qui manque dans notre monde matérialiste. Ils permettent encore de rêver. Ses dessins venaient toujours du fond du cœur et, ça, les enfants le ressentent.
Comment réagissait-il face aux critiques dont il a fait l’objet ?
M.-A. M. : Il n’a jamais montré que les critiques lui faisaient mal. Soit il survolait cela, soit il ne voulait pas nous faire de peine. Mais il faut préciser que, pour chaque album, il prenait comme modèle des enfants de la famille ou des voisins. Ceux-ci posaient avec leurs propres vêtements. Ainsi, quand il dessinait des jupes très courtes ou des petites culottes, c’est simplement parce qu’il reproduisait la mode de l’époque.
Entretiens : Stéphanie BREUER
(*) L’exposition «I Love Martine» se tient jusqu’au 2 mars au Musée en Herbe (21, rue Hérold à 75001 Paris). Du lundi au dimanche, de 10h00 à 19h00, le jeudi jusqu’à 21h00. Entrée : 6 €. Infos au 0033.140.67.97.66 ou sur ce site Internet
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