Dossier Liège (2) : une République en Cité ardente
Dans le cadre de notre série de l’été « Télépro chez vous ! », (re)découvrez les réjouissances du 15 août en Outre-Meuse.
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Une République à Liège
Chaque année, du 13 au 16 août, 200.000 personnes se concentrent dans le quartier liégeois d’Outre-Meuse pour les fêtes du 15 août. Des festivités préparées par un comité folklorique presque centenaire : la République Libre d’Outre-Meuse (RLOM). Son vice-président (Maïeur), Christian Desloovere, nous explique ce qui en fait la spécificité.
Entretien : Julien BRUYÈRE
Quelle est l’origine de la RLOM ?
Elle fête son 85e anniversaire, puisque sa création remonte à juin 1927. Des journalistes et personnalités liégeoises en visite à Paris sont fascinés par la Commune Libre de Montmartre, qui y organise événements et animations. Ils ont alors l’idée de créer une République à Liège, dans le cadre d’une semaine basée sur la gastronomie liégeoise. Sa proclamation rencontre un succès populaire inattendu qui est même relayé dans la presse !
Pourquoi ont-ils choisi le quartier d’Outre-Meuse ?
À cause de l’esprit insulaire qui y règne – les lieux sont pris entre Meuse et Dérivation -, un esprit d’indépendance et de liberté rappelant celui de Montmartre. C’était à l’origine un quartier populaire, avec des «petites gens», comme disait Georges Simenon (qui y a vécu, ndlr). Des ouvriers, des commerçants… Il y avait surtout des groupes folkloriques, qui ont disparu depuis. Le terreau était donc fertile, car la République n’a rien de politique. C’est un contre-pied folklorique à une Belgique qui est une royauté, pour perpétuer ou revivifier des traditions qui trouvent leur point d’orgue au cours du XV août.
Comment expliquer le succès de la fête ?
À l’origine, le 15 août en Outre-Meuse, ce sont des harmonies locales, des gens du quartier, qui l’animent. Après la Seconde Guerre Mondiale, dès les années 50-60, ces groupes disparaissent. Mais la RLOM, principalement constituée de commerçants, se dit qu’il faut continuer à attirer des gens extérieurs au quartier pour le 15 août. Ils ont en fait compris l’événementiel ! C’est à ce moment que la République a réellement commencé à organiser les fêtes du 15 août, avec l’obligation d’aller chercher des sociétés folkloriques, des animations, en dehors du quartier. Entre les années 50 et 70, les fêtes qui avaient lieu dans les autres quartiers liégeois disparaissent progressivement. Ce qui entraîne le succès croissant du 15 août en Outre-Meuse. Aujourd’hui, sur cinq jours de festivités, ce quartier de dix mille habitants accueille 200.000 personnes ! L’événement est incontournable !
La préparation des festivités ne s’improvisent pas…
Il nous faut un an ! La République est une asbl. Son conseil d’administration réunit vingt personnes (président, secrétaires généraux, trésoriers, ministres) et tous sont bénévoles. Il faut du temps pour trouver les sociétés folkloriques disponibles, les animations… Sans oublier un important volet administratif. L’association gère aussi le Musée Tchantchès, du nom de la marionnette emblème d’Outre-Meuse et de Liège, dont les 390 tenues y sont conservées. Des spectacles de marionnettes s’y donnent le mercredi et le dimanche. Bref, depuis 85 ans, nous tentons de travailler sérieusement… sans nous prendre au sérieux.
Existe-t-il des traditions qui ont été perdues depuis 1927 ?
Nous essayons de les préserver et en avons même réhabilitées. Par exemple, depuis dix ans, nous avons inclus à nouveau les enfants dans les festivités, avec la Saint Mâcrawe, le 13 août. Animations, jeux, épreuves… sont au menu, avant une promenade dans le quartier à dos d’âne pour le vainqueur. Le 14 après-midi, nous faisons à nouveau la «tournée des Marie». Une délégation de la République se rend chez une trentaine de femmes du quartier qui s’appellent Marie, pour leur offrir une rose. C’est un moment très convivial grâce auquel nous tissons des liens sociaux, voire d’amitié.
Si vous deviez résumer l’esprit d’Outre-Meuse et de son folklore en quelques mots ?
Insulaire, indépendant et ouvert à tous ! Car ce qui est très important : c’est que nous maintenons un esprit de gratuité (l’accès au quartier n’est pas payant), tout en conservant les traditions et en proposant une évolution nécessaire pour correspondre au public d’aujourd’hui. C’est ainsi que les divers concerts, ceux de la place Delcourt comme ceux de l’Auberge Simenon, se sont parfaitement intégrés dans les festivités alors qu’ils n’en faisaient pas partie avant les années 90.
À voir
– Le Musée Tchantchès
56, rue Surlet à 4020 Liège
Tél. : 04/342.75.75.
– Toutes infos sur le 15 août en Outre-Meuse ici
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