Dossier JO : rencontre avec Jean-Michel Saive

Dossier JO : rencontre avec Jean-Michel Saive

Du 27 juillet au 12 août, les meilleurs athlètes du monde vont s’affronter dans la capitale anglaise. La délégation belge comportera 115 athlètes. Un record depuis les Jeux d’Helsinki de 1952 ! Mais que peut-on vraiment en attendre ?

Jean-Michel Saive

«Sept » à dire…

Il sera l’une des figures de notre équipe. Sa première apparition aux JO remonte à 1988. C’était à Séoul. Vingt-quatre ans plus tard, le pongiste liégeois intègre le cercle très fermé des icônes de l’Olympisme : il en est à sa 7e participation aux Jeux !

Il paraît que vous avez pleuré lorsque vous avez appris que vous alliez à Londres. C’est vrai ?

En partie. J’éclate en sanglots à l’issue de mon dernier match comptant pour les Championnats du Monde. C’était l’an passé, à Rotterdam. J’ignorais si j’étais qualifié pour les Jeux Olympiques. Je m’en doutais. Mais ce n’était pas officiel. Si je craque, c’est davantage pour évacuer tout ce stress accumulé depuis quinze mois, et non pour fêter mon hypothétique présence à Londres. J’étais redescendu à la 60e place mondiale. Un classement largement insuffisant pour espérer décrocher un ticket aux Jeux. Me repositionner parmi les meilleurs m’a coûté énormément d’énergie physique et mentale. C’est tout ça qui ressort à Rotterdam. Avec, bien sûr, ancré au fond de moi, ce pressentiment que Londres se rapproche de plus en plus. Ce qui me sera confirmé assez vite…

Que ressentez-vous à l’idée de prendre part à vos 7es Jeux Olympiques ?

Beaucoup de fierté. Et de l’émotion. Sept Jeux ! Ce n’est pas rien. Durer aussi longtemps, à ce niveau… J’aurai 43 ans en novembre. Philippe, mon frère, prétend que cette qualification pour Londres est mon plus bel exploit. Il dit que je suis allé la chercher avec mes tripes. À mon âge, en pratiquant un jeu comme le mien, tout en agressivité, sans jamais rien lâcher… Pfff ! Il fallait le vouloir !

Faut-il en déduire que vous serez votre principal adversaire, à Londres ?

A priori, oui. Je devrai faire attention à moi, écouter attentivement mon corps. J’ai un style très explosif. Dès que je suis à la table, je ne m’économise pas. En fait, je ne m’économise jamais. À Londres, il faudra sans doute que je change ma manière d’agir, que j’appuie régulièrement sur la pédale de frein, pour pouvoir mieux accélérer ensuite. Je ne peux pas faire n’importe quoi sous prétexte que ce sont les Jeux. Ce serait le meilleur moyen de terminer dans le mur. Mon expérience de la haute compétition sera prépondérante. Durant ma préparation, j’ai veillé à trouver le bon dosage entre l’entraînement et la récupération. De ce point de vue, je suis rassuré : je suis prêt ! Néanmoins, je ne pourrai pas me laisser déborder par ma fougue, même si c’est mon ADN. Je devrai la canaliser tout en passant à l’action le moment venu. Si j’y crois ? Fatalement. Sinon, je resterais à la maison. Tout est toujours possible en sport. Regardez mon vieil ami, le Suédois Jörgen Persson. À 42 ans, il finit 4e aux Jeux de Pékin. Pourquoi pas moi à Londres ?

D’autant que vous n’avez jamais décroché de médaille olympique…

Ce n’est pas que cela ne manque pas à mon palmarès, mais je me vois mal rembobiner le film. J’aurais pu monter sur le podium à Barcelone, en 1992. J’étais vice-Champion d’Europe et n° 6 mondial. On attendait beaucoup de moi. J’échoue en 1/8 de finale. C’est une immense déception. Idem à Atlanta, où le Tchèque Petr Korbel me bat en 1/4 alors que je n’avais pas encore concédé le moindre set. À Sydney, je prends ma revanche sur Korbel, mais j’ai la poisse de tomber au tour suivant sur le Suédois Jan-Ove Waldner, qui est en état de grâce. Là aussi, cela aurait pu. Mais non ! C’est comme ça… De toute façon, je n’aurais pas sacrifié le reste de ma carrière pour une médaille olympique. Les Jeux, c’est extraordinaire. Mais ce que j’ai réussi en dehors, cela l’est davantage à mes yeux !

Vous savez qu’il y a un autre Belge…

(Il coupe.) Il s’agit de François Lafortune. Il pratiquait le tir. Il a participé également à sept Jeux, entre 1952 et 1976. Je suis allé lui rendre visite. Cette rencontre fut spéciale. Surtout pour François Lafortune : il pensait qu’on l’avait oublié. Le tir n’est pas une discipline médiatique. Cependant, je défie qui que ce soit de manier en trois positions, debout, couché et à genou, une carabine qui pèse dix kilos tout en visant à une distance de cinquante mètres un point central de dix millimètres. Cela exige une concentration invraisemblable. François Lafortune m’a expliqué tout ça. Il m’a parlé de sa première expérience des Jeux, en 1948, où il était à Londres pour soutenir son père, tireur comme lui. En guise de boutade, il m’a avoué avoir raté Moscou, en 1980, pour trois fois rien.

Cela sous-entend que vous serez à Rio, en 2016 ?

(Il éclate de rire.) Attendons de voir !

> Lisez la suite de notre dossier JO

ici

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici